Trichocéphalose : cas clinique.

 

Observation :

 

Une fillette de 10 ans est hospitalisée à l’Hôpital Principal de Dakar  pour une anémie sévère associée à des troubles digestifs.

Elle a déjà été hospitalisée à deux reprises : une première fois, pour une gastro-entérite aiguë avec broncho-alvéolite, une deuxième fois pour une pneumonie lobaire aiguë.

On retrouve la notion d’une géophagie ancienne.

L’interrogatoire note la survenue depuis 10 jours d’une diarrhée glairo-sanglante faite d’environ 10 selles par jour, accompagnées de douleurs abdominales diffuses, de vomissements et d’une fièvre non chiffrée.

L’examen clinique met en évidence des signes d’anémie sévère : pâleur extrême, tachycardie, dyspnée, bruit de galop, souffle systolique, hépatomégalie.

 

Les examens complémentaires à l’entrée montrent :

Numération Formule Sanguine : 1 440 000 globules rouges, hémoglobine à 2 g/100ml, hématocrite : 8,8%, volume globulaire moyen : 51 µ3,

Fer sérique : 40 g/100 ml,

Test d’Emmel : négatif,

Recherche d’hématozoaires : négative,

Recto-sigmoidoscopie : muqueuse hyperhémiée, avec présence d’ulcérations à la surface desquelles se trouvent de nombreux vers blancs mobiles.

Un ver est enlevé à la pince à biopsie : c’est un petit ver de couleur blanc rosé, avec 2 parties bien distinctes, une partie filiforme céphalique formant les 3/5 antérieurs, une partie caudale plus large formant les 2/5 postérieurs.

 

Quel est votre diagnostic ?

Quel est le mécanisme de l’anémie ?

Quel est le traitement à prescrire ?

 

Discussion :

 

Il s’agit à l’évidence de vers adultes de trichocéphales ou Trichiuris trichiura.

La trichocéphalose est une affection cosmopolite. Les trichocéphales adultes vivent dans le colon. Les œufs sont éliminés dans les selles, s’embryonnent dans le milieu extérieur et deviennent infectants. L’homme se contamine en absorbant des œufs embryonnés avec l’alimentation ou par l’intermédiaire des mains souillées par de la terre. Les larves cheminent jusqu’au colon où elles deviennent adultes en 4 à 5 semaines.

La symptomatologie repose sur le caractère hématophage des vers adultes, dont la partie antérieure filiforme pénètre dans la muqueuse colique, surtout au niveau du caecum , en raison de la relative stagnation stercorale, mais, en cas d’infection massive, dans tout le colon, du caecum au rectum. Les ulcérations coliques secondaires à la pénétration des vers  entraînent des saignements, cause d’une anémie microcytaitre, hypochrome, hyposidérémique, voir de manifestations cliniques de rectocolite ulcérée.

 

La plupart des rectocolites à trichocéphales concernent de jeunes enfants, de 2 à 7 ans,  géophages, vivant sous les tropiques, dans des conditions socio-èconomiques précaires. Ces enfants sont souvent polyparasités. Lorsque l’infection est massive, on peut observer, outre une rectocolite avec syndrome dysentériforme, des hémorragies rectales profuses et un prolapsus rectal tapissé de vers adultes.

Le diagnostic a été porté, dans notre observation, sur la visualisation des vers adultes en recto-sigmoidoscopie. En pratique, le diagnostic est porté sur la mise en évidence des œufs  ayant un aspect caractéristique de « petits citrons ». L’examen de selles a montré ici, outre des œufs de trichocéphales, des œufs d’ascaris.

Le traitement repose sur les benzoimidazolés : mébendazole (VERMOX) ou flubendazole (FLUVERMAL) à la dose de 200 mg/j pendant 3 jours quelque soit l’âge.

Il a consisté, dans le cas présenté, en un traitement symptomatique par transfusions de culots globulaires et en un traitement antiparasitaire par VERMOX.

L’évolution a été simple :  normalisation des selles à J 8, prise de poids de 2 kg en 15 jours, stabilisation du taux d’hémoglobine dès J 5 autour de 9 g/100 ml, négativation des examens de selles à J 18. Une rectosigmoidoscopie de contrôle à J 12 montre une muqueuse rectale d’aspect macroscopiquement normal, avec présence de quelques trichocéphales immobiles en surface. L’examen histo-pathologique de biopsies rectales montre une rectite inflammatoire subaiguë, ave présence de trichocéphales femelles contenant de nombreux œufs. Une 3éme recto-sigmoidoscopie pratiquée à J 26 est normale, aucun parasite n’est retrouvé.

L’intérêt de cette observation est de rappeler l’existence de la « trichocéphalose massive infantile », qui peut entraîner une entérite  avec diarrhée et déshydratation, une appendicite ou une rectocolite à trichocéphales, comme dans le cas rapporté.

 

 

Référence :

 

Aubry P., Touze J.E. Cas cliniques en Médecine Tropicale. La Duraulié edit., mars 1990, pp. 81-82.

 

 

 

Iconographies :

 

Trichiuris trichiura adultes avec leur partie antérieure filiforme et leur partie postérieure enroulée en cercle chez le mâle, légèrement arquée chez la femelle.

 

Œuf de trichocéphale dans les selles ; aspect caractéristique de « petit citron ».

 

Recto-colite à trichocéphales : vers adultes fichés dans la muqueuse rectale

 

Même malade après traitement par mébendazole. : aspect sub-normal de la muqueuse rectale à  J 15.