.
 

Contrôle de connaissance : Juin 2003 et corrigés

Sessions : La réunion, Antanarivo, Bordeaux, Windhoek

 

Question 1

Observation :

 

Un garçon de 8 ans, réunionnais, entre en urgence au CHD Félix Guyon à Saint Denis de La Réunion pour un coma fébrile. Le début a été apparemment brutal par des convulsions généralisées suivies de troubles de la conscience.

L’interrogatoire des parents apprend que l’enfant était en fait fébrile depuis la veille, qu’il se plaignait de céphalées, et présentait des troubles digestifs avec douleurs abdominales, diarrhée et vomissements.

L’enfant  est revenu, il y a dix jours, de trois semaines de vacances qu’il a passé dans une famille malgache à  Tamatave (Madagascar). Ses conditions d’hébergement sont mal connues. Il n’a pas pris de chimioprophylaxie antipalustre depuis son retour à La Réunion.

A l’examen, l’enfant est dans un coma calme avec un  score de Glasgow inférieur à 8. Le poids est de 23 kg, la température est  à 39,8°C, le pouls à 120 mm, la TA à 95/55 mm/Hg, le rythme respiratoire à 80 mm. Il n’y a pas de raideur méningée. On palpe une splénomégalie de stade 2 de l’OMS.

 

Bilan paraclinique à l’entrée :

NFS : taux d’hémoglobine à 9,8 g/dl, leucocytes : 10 600/mm3, plaquettes : 90 000/mm3.

Frottis sanguin : trophozoïtes de Plasmodium falciparum avec une densité parasitaire de 3 %

LCR normal

Créatininémie à 62 µmol/l

Bilirubinémie totale à 18 µmol/l

Glycémie à 4,2 mmol/l

Téléthorax : image thoracique normale

 

1- Quel(s) diagnostic(s) évoquez-vous ?
2- Quels examens complémentaires sont utiles pour compléter le bilan ?

3- Quels traitements faut-il prescrire ?

4- Quelles complications sont à redouter?

5- Quelles préventions auraient  du être appliquées ?

 

Discussion / corrigé

 

1- Le séjour récent en zone d’endémie palustre, les signes cliniques, le score de Glasgow < 9, la positivité du frottis sanguin avec un densité parasitaire élevée chez cet enfant,  qui n’a pas ou mal suivi de chimioprophylaxie antipalustre, doivent faire retenir le diagnostic d’accès palustre grave. Des critères OMS 2000 du paludisme grave, on retient ici : le coma, les crises convulsives, l’hyperparasitémie. Il s’agit d’un neuropaludisme, grande urgence thérapeutique tropicale, imposant l’hospitalisation dans un service de réanimation..

 

2- Le diagnostic est apporté par le frottis sanguin. Cependant, le bilan peut être complété  par 

des hémocultures, et par un sérodiagnostic de Widal pour éliminer une fièvre typhoïde, qui peut être associée au paludisme.

 

3- Le traitement repose sur la quinine intraveineuse. La posologie est de 25 mg/kg/j de quinine base , soit en pratique 8 mg/kg toutes les 8 heures.

La quinine s’administre en perfusion de 4 heures dans du sérum glucosé à 5% (de préférence à la seringue électrique).

La conduite pratique comprend :

- uns dose de charge de quinine base : 17 mg/kg en 4  heures

- puis la posologie standard à partir de la 8éme heure : 8 mg/kg en 4 heures toutes les 8 heures.

On prescrit de préférence le QUINIMAX (96% de quinine-base), ampoules de 1ml à 100 mg, ou, à défaut, le QUINOFORME (88% de quinine-base), .

L’apyrexie et le réveil du coma sont obtenus 2 jours en moyenne après le début du traitement permettant  la prise de quinine par voie orale (comprimés de QUINIMAX à 100 mg), la durée totale du traitement étant de 7 jours.

 

4- Les complications à redouter sont :

- l’aggravation des troubles de la conscience avec un score de Glasgow inférieur à 8, nécessitant une ventilation mécanique,

- les convulsions à traiter par diazépam (VALIUM) en IV lente  0,3 mg/kg ;

- l’anémie grave avec taux d’Hb < 5g/dl, nécessitant des transfusions ;

- l’hypoglycémie avec une glycémie capillaire < 2,2 mmol/l nécessitant l’administration de  sérum glucosé hypertonique à 50% , 1 mL/kg  en intraveineuse lente, les perfusions de sérum glucosé à 5% étant maintenues pour prévenir les rechutes ;

- l’acidose métabolique qui nécessite le traitement de la cause (hypoglycémie, anémie, déshydratation, choc, septicémie)  et une oxygénothérapie,

- le collapsus qui nécessite un remplissage vasculaire prudent  ;

- l’insuffisance rénale qui nécessite la correction de l’hypovolémie, puis la relance de la diurèse par le furosémide, ou l’épuration extra rénale si échec ;

L’hyperthermie est traitée par le paracétamol : 60 mg/kg/j .

Il faut se méfier des complications dues aux traitements : surdosage en quinine avec complications cardiovasculaires et neurosensorielles, surdosage en liquide avec œdème pulmonaire.

La surveillance clinique porte sur la conscience, le pouls, la TA, le RR, la température, la diurèse ; la surveillance biologique sue la NFS, la glycémie capillaire toutes les 8 heures, la parasitémie à J3 et à J8.

 

5- La prévention repose chez l’enfant pour un pays du groupe 2 sur :

- la chimioprophylaxie par chloroquine 1,5 mg/kg/j + proguanil  3 mg/kg/j, pendant tout le séjour et à poursuivre pendant 4 semaines après le retour ;

- et la lutte antivectorielle par les  moustiquaires  imprégnées et les insecticides.

 

_________________________________________________________________________________________

 

Question 2

Observation

 

Au cours d’une mission humanitaire dans la province de Toamasina (Tamatave), une fillette âgée de 12 ans, malgache, de race noire, est amenée à votre consultation, portée par son père. Elle présente des douleurs vives au niveau de la jambe gauche, apparues il y a une dizaine de jours, dans un contexte fébrile (frissons, fièvre à 39°C).

L’interrogatoire du père apprend que la fillette présente depuis l’enfance des épisodes fébriles avec douleurs ostéo-articulaires et tuméfactions intermittentes des membres. Elle a été hospitalisée à 2 reprises à l’Hôpital de Tamatave. Le père sait que son enfant est drépanocytaire.

A l’examen, vous êtes en présence d’une enfant maigre, pâle et subictèrique, fébrile (température à 38,6°C). La jambe gauche est plus volumineuse et plus chaude que la droite, sa palpation et sa mobilisation réveillent de vives douleurs. Les articulations (genou, cheville, hanche) sont libres et sèches. Il existe deux petites plaies torpides de la face externe du 1/3 inférieur de la jambe gauche par lesquels sourd un liquide purulent.

L’examen de l’abdomen note une hépatomégalie avec flèche hépatique à 13 cm et une splénomégalie stade 3 de l’OMS. L’examen cardio-vasculaire est normal. La TA est à 100/60 mmHg. L’auscultation pulmonaire est normale. L’examen neurologique est sans anomalie.

 

Examens complémentaires :

NFS : Globules rouges : 2 400 000/mm3, taux d’Hb : 6,7 g/dl,

           Globules blancs : 29 200/mm3, polynucléaires neutrophiles : 78%,

           Plaquettes : 210 000/mm3

VSH : 120 mm à la première heure

CRP : 52 mg/l (N < 5)

Bilirubinémie libre : 28 µmol/l

Glycémie : 5,2 mmol/l

Créatininémie : 110 µmol/l

Frottis sanguin : absence d’hématozoaires.

Test de falciformation (test d’Emmel)  positif

Radiographie thoracique normale

Radiographie sans préparation des os de la jambe gauche : au niveau du tibia, pandiaphysite respectant les épiphyses avec aspect vermoulu cortico-médullaire, séquestres en voie de constitution et apposition périostée débordent sur les parties molles.

 

1- Quel est votre diagnostic ?

2- Comment le confirmer ?

3- Comment confirmer la complication en cours ?

4- Quelle est l’évolution prévisible de cette maladie ?

5- Quels sont les traitements à prescrire ?

 

Discussion / corrigé

 

1- Il s’agit d’un tableau infectieux sévère avec tuméfaction de la jambe gauche chez une enfant présentant une drépanocytose.

 

2- Le diagnostic de drépanocytose homozygote est confirmé  par une électrophorèse de l’hémoglobine qui montre l’absence d’hémoglobine A, 70 à 95% d’Hb S, 2 à 20% d’HbF, et 2 à 3% d’Hb A2.

 

3- Les radiographies sans préparation de la jambe gauche permettent de porter le diagnostic d’ostéomyélite du tibia. Le prélèvement au niveau des plaies doit permettre, chez cette enfant, qui n’a pas reçu d’antibiotiques, d’isoler le germe responsable. L’ostéomyélite est une complication fréquente chez un sujet drépanocytaire homozygote. Elle est volontiers récidivante, comme dans l’observation  rapportée, atteignant les extrémités des membres chez le petit enfant (syndrome mains-pieds), les os longs chez le grand enfant. Les lésions sont multifocales dans 70% des cas. Sur le plan bactériologique, il existe une forte prépondérance des ostéomyélites à salmonelles. L’origine staphylococcique est plus rare.

 

4- La drépanocytose est une affection héréditaire  de l’hémoglobine. C’est une maladie de la race noire. C’est une maladie de l’enfant, l’espérance de vie dépendant de la prise en charge.

Les accidents évolutifs sont dus à des microthrombi des capillaires profonds entraînant des infarctus tissulaires, cause d'accidents vasoocclusifs. Ceux-ci se caractérisent chez l’enfant par des infarctus osseux, en n’importe quel point du squelette, mais aussi par des déficits neurologiques, des syndromes thoraciques aigus, des tableaux douloureux abdominaux. Les surinfections sont fréquentes : ostéomyélites à salmonelles, pneumopathies à pneumocoques, méningites à Haemophilus influenzae et à salmonelles.

Le pronostic est sombre, puisqu’un enfant sur deux meure avant l’âge de 5 ans et 1 sur 10 seulement parvint à l’âge adulte. Mais, la gravité de la drépanocytose homozygote est variable selon les individus. Dans le cas rapporté, l’électrophorèse de l’hémoglobine montre une persistance de l’Hb F à 19%, expliquant probablement la survie de la fillette.

 

5- Le traitement consiste :

- en un traitement de fond : transfusions, réhydratation parentérale : 2 litres par jour de sérum glucosé à 5%, oxygénothérapie nasale 3 l/m, traitement antalgique,

- en un traitement antibiotique de l’ostéomyélite : fluoroquinolones si isolement d’une salmonelle, oxacilline associée à un aminoglycoside  si isolement d’un staphylocoque.

L’évolution sous antibiothérapie prolongée avec immobilisation est en général favorable. Les séquestres se résorbent habituellement d’eux-mêmes évitant l’intervention chirurgicale.

La prise de folates et une vaccination anti-pneumococcique sont recommandés par la suite.