Sarcome de Kaposi
Professeur Pierre Aubry. Mise au point le 30/01/2004
1. Généralités
Quatre formes
du Sarcome de Kaposi sont actuellement identifiées :
- une forme
classique méditerranéenne décrite en 1872 par Kaposi à Vienne en Autriche,
maladie cutanée maligne, rare, atteignant surtout l’homme âgé,
-
une forme endémique décrite en 1960 en Afrique centrale et de l’est, maladie de
l’homme adulte et de l’enfant,
-
une forme liée à une immunodépression iatrogène décrite en 1970 chez des
patients greffés traités par immunosuppresseurs,
-
une forme épidémique liée au sida, décrite en 1981, plus fréquente chez les
homosexuels ou les bisexuels.
En
1994, le rôle d’un nouvel agent viral, le virus herpès humain type 8, le HHV-8, est suspecté chez les malades atteints
de la forme épidémique.
Toutes ces
formes ont en commun une même image histologique.
Principales
caractéristiques des différentes formes de Sarcome de Kaposi (SK)
Type
|
Géographie
|
Age
|
Manifestations
cliniques
|
Evolution
|
Peau
|
Muqueuses
|
Ganglions
|
Viscères
|
Classique
|
Europe
centrale
Méditerranée
|
50-80
|
Constantes
|
Rares
|
Rares
|
Très
rares
|
Lente
|
Endémique
Adulte
|
Afrique centrale et de l’est
Afrique centrale et de l’est
|
>
40
|
Constantes
|
Rares
|
Rares
|
Rares
|
Lente
|
Enfant
|
<
15
|
Absentes
|
Absentes
|
Constantes
|
Constantes
|
Rapide
|
Iatrogène
|
Moyen
Orient
Europe
de l’ouest
|
12-83
|
Constantes
|
Fréquentes
|
Très
rares
|
Très rares
|
Arrêt
traitement
|
Epidémique
|
Ubiquitaire
|
18-65
|
Constantes
|
Fréquentes
|
Fréquentes
|
Fréquentes
|
Rapide,
celle
du sida
|
2. Etude du SK lié au sida
2.1. Epidémiologie
Il est
vraisemblable que l’Human Herpesvirus
de type 8 (HHV 8) est en cause dans
la genèse de la prolifération sarcomateuse. C’est un virus à transmission
sexuelle et à transmission materno-fœtale. La prévalence de l’HHV 8 est très variable (de 0 à 50%)
selon un gradient nord-sud. Il est plus fréquent en Europe du sud (Italie,
Grèce), en Afrique (prévalence de 50% dans certains pays africains).
2.2 Etude
clinique
2.2.1-
L’atteinte cutanée est inaugurale dans 90% des cas :
-
papules ovalaires (0,5 à 1,5 cm de diamètre), mal limitées, brun violacées, classiquement
indolores, non prurigineuses,
-
lésions nodulaires dures, mobiles,
-
larges placards angiomateux, oedématiés, parfois douloureux.
Toutes ces lésions peuvent atteindre l’ensemble des
téguments en particulier le tronc, les membres (extrémités : mains,
pieds), le visage (nez).
2.2.2-
L’atteinte muqueuse est fréquemment observée (>50 % des cas) :
- atteinte
bucco pharyngée : palatine, gingivale, labiale, jugale, linguale,
amygdalienne, pouvant s’ulcérer et se surinfecter (champignons, bactéries)
- atteinte ano-génitale
- atteinte
oculaire
2.2.3-
L’atteinte ganglionnaire est fréquente.
2.2.4- Les atteintes viscérales sont
fréquentes, surtout digestive et pulmonaire :
-
atteinte digestive : 50% des SK avec atteinte cutanée, 100% avec
localisation buccale, asymptomatique ou
révélée par des douleurs, une diarrhée, des
hémorragies digestives, avec
à l’examen endoscopique : papules ou nodules angiomateux, rouges, siégeant
au niveau de l’estomac, du duodénum, du colon, du rectum ;
-
atteinte pulmonaire : 20 à 50% des SK, révélée par une toux sèche, une dyspnée,
un SDRA évoquant une pneumocystose, avec signes radiologiques non
spécifiques : infiltrat interstitiel ou alvéolaire bilatéral et images nodulaires mal limitées ;
-
autres atteintes : tous les organes peuvent être atteints, en
particulier : plèvre, péricarde, foie, pancréas, voies biliaires, ovaires,
testicules, cœur, etc., classiquement, les atteintes cérébrale et osseuse sont
rares.
L’évolution se
fait selon deux modalités :
- forme
localisée peu extensive (30%)
- forme
polyviscérale rapidement progressive (70%) associée à des infections
opportunistes qu’il faut systématiquement rechercher.
En pratique,
le pronostic est sombre, lié au sida.
2.2.
Diagnostic
L’image
histologique est identique dans les 4 formes de SK, avec une double
prolifération cellulaire :
- cellules
fusiformes groupées en faisceaux, en amas,
-
cellules endothéliales vasculaires, ainsi qu’un infiltrat inflammatoire
mononucléé
Le
diagnostic différentiel se pose en Afrique entre la forme épidémique liée au
sida et la forme endémique qui peut prendre chez l’adulte un aspect comparable
au SK classique, ou être plus agressif avec des lésions cutanées infiltrantes
ou disséminées, les lésions muqueuses et viscérales étant rares. Chez l’enfant
africain, le SK se caractérise par une atteinte ganglionnaire, sans signe
cutané, mais avec des atteintes viscérales et une d’évolution rapidement
disséminée et une survie brève (en 1 à 3 ans).
Le
diagnostic différentiel repose sur la recherche d’autres éléments cliniques en
faveur du sida et sur la sérologie VIH (2 tests ELISA).
2.3.
Traitement
Le traitement du SK lié au
sida repose d’abord sur le traitement antirétroviral qui permet une régression
du SK dans plus de la moitié des cas. Quant au traitement spécifique du SK, il
dépend de l’importance des lésions.
Si les lésions
cutanées sont < 5, l’abstention est de mise.
Si les lésions
cutanées sont étendues et les lésions viscérales peu évolutives, le traitement
repose sur une monochimiothérapie par bléomycine.
Si les lésions
cutanées sont oédématiées et les lésions viscérales graves, il repose sur une
polychimiothérapie associant adriamycine, bléomycine, vincristine, mais avec le
risque d’infections opportunistes et une toxicité hématologique.
La réalisation
d’une chimiothérapie systémique n’allonge pas la survie. Ces traitements sont de toute façon difficiles à appliquer
dans les PED.
Note : la
dénomination «Sarcome de Kaposi» doit
être remplacée par celle de «Maladie de Kaposi» en raison des aspects
cliniques : évolution soit lente, soit agressive, soit régressive en cas
de restauration immunitaire et des données cytogénétiques actuelles.
Références
Dupin N.
Maladie de Kaposi. Rev. Med. Int., 1995, 16, 484-486.
Camparo P., Gessain A, Arborio M.
Sarcome de Kaposi et virus herpes humain type 8 : Acquisitions récentes. Med.
Trop., 1996, 56, 231-237.
Boulanger E.
L’herpésvirus humain (HHV8). I- Caractérisation et épidémiologie. Ann. Biol.
Clin., 1998, 56, 643-650 et II- Rôle pathogène et sensibilité aux antiviraux. Ann.
Biol. Clin., 1999, 57, 19-28.
Lebbé C.
Maladie de Kaposi. Rev. Prat ., 1999, 49, 843-846.
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