Anémie
hémolytique auto immune (AHAI) secondaire à une infection Plasmodium falciparum
T. Henni, Service
d’Hématologie, B-A Gaüzère, service de réanimation. CHD Félix Guyon (Saint
Denis, Réunion)
Histoire de la maladie :
Monsieur H.N. résident français à Sainte Marie, sans prophylaxie anti palustre,
en traitement itératif d’accès fébrile par halofantrine ou par quinine, a présenté
le 04/09/1995 une hyperthermie avec frissons : auto-prescription
d’halofantrine. Le 05/09/1995, asthénie, urines foncées, fièvre à 40°C:
traitement par quinine en comprimés et traitement symptomatique de la diarrhée
et des vomissements apparus secondairement.
Le
08/09, transfert au CHD pour altération de l’état général avec poursuite de la
déglobulisation : Hb à 2.9 g/dl. Recherche de P. falciparum (frottis) négative, test de Coombs direct positif.
Le 09/09, transfusion de 3 culots érythrocytaires (Hb à 3.6 g/dl après
transfusion), corticothérapie, arrêt de la quinine. Le médullogramme pratiqué
en raison de la réticulocytose basse malgré l’hémolyse, ne montre qu’une
hyperplasie érythroblastique.
Sous
corticothérapie et supplémentation en acide folique, on observe une remontée du
taux d’Hb, 3.7 g/dl le 13/09 avec apparition d’une hyper-réticulocytose à 270
000 /µl, Hb : 5.2 g/dl le 15/09 et réticulocytose à 507 000, Hb : 6.1
g/dl le 18/09. Parallèlement l’insuffisance rénale observée à l’admission, se
corrigeait partiellement (créatininémie à 302 µmol/l le 08/09, 176 µmol/l le
18/09). Le patient souhaitait quitter l’hôpital et poursuivit la
corticothérapie.
Le
04/10/1995, nouvelle hospitalisation pour un nouvel accès palustre. On note une
petite déglobulisation (chute du taux d’Hb de 0.5 g/dl), mais une chute
plus importante du taux de plaquettes (314 000 à 122 000/µl). La recherche
d’hématozoaires montre la présence de Plasmodium
vivax au stade de trophozoïtes. Le patient est traité par méfloquine avant la confirmation de l’infection à Pl.
vivax. Il quitte l’hôpital le 07/10, apyrétique, sans signe d’hémolyse. La
corticothérapie est poursuivie pendant un mois (1 mg/kg), puis diminuée par
paliers et arrêtée le 20/02/1996..
Le
03/03/1996 le patient est de nouveau hospitalisé après un nouveau séjour à
Madagascar, dans un tableau d’hémolyse
aiguë fébrile, un taux d’Hb à 8.4 g/dl, des signes biologiques de CIVD et la
présence de Plasmodium falciparum
(parasitémie inférieure à 0.1 %). Traitement par méfloquine, aggravation des
signes d’hémolyse avec symptomatologie digestive (diarrhée, vomissements),
apparition de signes de CIVD. Le 04/03/1996, Hb à 5.6 g/dl, la corticothérapie
est de nouveau instaurée (120 mg de méthylprednisolone), sans
succès : chute du taux d’Hb à 1.6 g/dl dans la journée. Le patient reçoit
alors un nouveau bolus de 500 mg. Le 05/03 poursuite de la chute du taux d’Hb
(3.5g/dl), traitement par immunoglobulines par voie intraveineuse (1g/kg)
associées à un nouveau bolus de 500 mg de méthylprednisolone. Le 06/03, Hb à
2.5 puis 2.7 g/dl d’Hb, poursuite de la corticothérapie.
Le
07/03 : taux d’Hb 2.2g/dl, transfusion de 2 culots érythrocytaires en
association aux immunoglobulines et nouveau bolus de 500mg de
méthylprednisolone. On note une majoration transitoire de l’hémoglobinurie
pendant la transfusion, malgré cela le taux d’Hb post transfusionnel est de 4.7
g/dl. Par la suite, on assiste à une stabilisation puis une remontée du taux
d’Hb : 10.3 g/dl après 2 semaines de traitement, normalisation après 6
semaines.
Discussion : Après le premier épisode d’hémolyse, aucune étiologie
n’avait été retrouvée à l’ AHAI apparue au décours d’une infection à P. falciparum, mais un lien, avec un des
médicaments utilisés ne pouvait être exclu. Le second épisode (infection ou
reviviscence à P. vivax traité par
méfloquine) pouvait laisser penser que l’infection palustre n’était en rien
responsable de l’hémolyse, laquelle pouvait être en rapport avec le traitement
par halofantrine ou quinine. Le troisième épisode d’infection à P. falciparum, également traité par
méfloquine, (sans halofantrine ni quinine qui étaient donc «innocentés»),
s’accompagnait d’une nouvelle poussée d’AHAI. Il apparaît que l’hémolyse avec
auto anticorps a été «déclenchée» par l’infection à P. falciparum elle-même.
Par la suite, en l’absence de nouvelle infection, il ne fut plus observé de
rechute et le test de Coombs se négativa.