Béribéri
cardiaque chez l’adolescent à l’île de la Réunion chez 4 patients mahorais.
L. Amor. Centre
Hospitalier intercommunal. Saint-Benoît. Réunion.
Patients et méthodes. Etude
rétrospective de 4 dossiers d’adolescents mahorais dont 2 frères (âge moyen : 16 ans), hospitalisés entre 1997 et 2000. Motif d’admission :
oedèmes bilatéraux des membres inférieurs. Absence d’antécédent
cardiovasculaire, de prise médicamenteuse cardiotoxique ou d’éthylisme. Un
patient avait un antécédent de neuropathie périphérique d’origine carentielle.
A l’examen, la tachycardie était retrouvée 3 fois, une dyspnée d’effort 1 fois,
des myalgies 2 fois, des arthralgies 1 fois, l’abolition des réflexes
ostéotendineux chez tous les patients. Le contexte
familial des 4 patients était évocateur de pathologie carentielle : comorien,
récemment arrivé, milieu défavorisé.
Le diagnostic de
béribéri a été affirmé sur l’aspect échographique évocateur d’une insuffisance
cardiaque à haut débit avec une fonction systolique conservée pour 2 patients,
sur la réponse au test thérapeutique par la vitamine pour les 4 patients alors
que le diagnostic biologique n’a été confirmé que chez 1 seul patient
rétrospectivement.
Les causes habituelles
d’insuffisance cardiaque par surcharge ventriculaire ont été éliminées : RAA,
valvulopathie, shunt, cardiomyopathie congénitale, traitement cardiotoxique. La
réponse au traitement a été rapide (thiamine IV pendant 24 à 72 heures avec un
relais per os), avec des effets secondaires chez 2 patients : BAV
2 puis OAP et bradychardie).
Discussion. Le béribéri est une pathologie
carentielle connue en Orient dès le XVII siècle, actuellement observée chez les
éthyliques, les dénutris, ou les sidéens. Essentiellement décrite chez les
adultes, il est méconnu en pédiatrie. La thiamine intervient comme co-enzyme
dans le métabolisme des glucides (cycle de Krebs), sa carence induit des pannes énergétiques délétères dans les tissus
nobles qui se traduisent par 2
types d’atteintes : neurologique (polyneuropathie, encéphalopathie de
Gayet-Wernicke, syndrome de Korsakoff) et cardiaque (béribéri cardiaque,
shoshin béribéri). La forme cardiaque se caractérise par une vasodilatation
périphérique avec élévation du débit
cardiaque, une altération directe du myocarde, une rétention hydrosodée, et une
défaillance cardiaque globale. Les signes biologiques de
carence apparaissent en 6 semaines et les signes cliniques en 3 mois.
La thiamine est contenue
dans les levures, céréales non décortiquées, légumineuses,
fruits frais et oléagineux, viande, œufs, lait de vache. Instable,
hydrosoluble, thermolabile, sensible à l’oxydation. Absorbée au niveau de la
partie haute de l’intestin par un transport actif et saturable, subit des phosphorylations
dans la cellule hépatique. Forme biologiquement active : pyrophosphate de
thiamine. Excrétion urinaire. Faible stockage (25mg), besoins variables,
dépendant de la consommation en hydrates de carbone. ANC
: 0,2 à 1,8 mg/jour. Les besoins accrus chez l’adolescent sont satisfaits par
une alimentation normale.
Les populations à
risque de carence en vitamine B1 sont : à revenus
modestes, migrantes, SDF, sous régime amaigrissant anarchique ou trop
restrictif, troubles de l’absorption intestinale, grand âge, apports excessifs
en glucides par nutrition parentérale exclusive, alcoolisme, grossesse et
allaitement, sportif.
Conclusion.
A notre connaissance, il s’agit des premiers cas publiés à la Réunion chez des
adolescents. Il convient d’évoquer le béribéri chez l’enfant ou l’adolescent devant des présentations cliniques initiales trompeuses qui
orientent vers une pathologie ostéoarticulaire, une néphropathie ou une insuffisance cardiaque
droite par surcharge dans un contexte potentiellement carencé.
Le traitement d’épreuve doit être facile, et sous
surveillance hémodynamique.
Il convient de
s’interroger sur l’existence d’une subcarence vitaminique à Mayotte
décompensée à la Réunion, car cette population jeune en bonne santé apparente,
a pour seule particularité d’être migrante et donc susceptible de se retrouver
en situation de précarité. Nécessité d’une prise en charge médico-sociale afin
d’éviter des rechutes.
Références
Blanc P. Boussuges A. Béribéri cardiaque. Archives Mal du
cœur 2000 ; 93 : 371-379.