Hépatite fulminante
associée au virus Chikungunya : à propos d’une observation à l’île de La
Réunion.
Binois F, Amor L. Centre
Hospitalier de Saint-Benoît, 97470 La Réunion
Observation : Nous
rapportons l’observation d’un patient de 47 ans, éthylique chronique, admis en
réanimation le 1/02/2006 pour encéphalopathie hépatique avec syndrome de
cytolyse majeure après avoir été découvert inconscient à domicile. Ses
antécédents se limitent à une leptospirose en 2003 et à une hospitalisation en
2004 pour coma éthylique puis cure de sevrage. Le patient n’a aucun traitement
au long cours et n’aurait pas pris de paracétamol. L’examen à l’arrivée aux
urgences retrouve une hypotension à 71/45 avec un pouls à 108/min, une
apyrexie, une déshydratation marquée avec sécheresse des muqueuses, une
obnubilation (score de Glasgow à 8-9), un flapping tremor. L’abdomen est sans
défense ni ascite, il existe une diarrhée profuse. Le patient est alors dirigé
en soins intensifs avec la biologie suivante : urémie :14mmol/l , créatininémie :460
micromol/l , GB :7830 , GR :3,6 millions , plaquettes :47000 ,
TP :21% , facteur V :27% , fibrinogène :2.37g/l ,
ammoniémie :65 micromol/l , alcoolémie nulle , ASAT :18431 UI/l
(Nx460) , ALAT :2217 UI/l (Nx49) , ASAT/ALAT=9, PAL :129 UI/l , GammaGT :711 UI/l et
lipasémie :218 UI/l ;la paracétamolémie n’est pas dosée.
Les explorations (ECG,
radiographie thoracique, TDM cérébrale) sont normales en dehors d’une
calcification cérébrale postérieure évoquant une séquelle de
cysticercose ; 2 échographies abdomino-pelviennes concluent à un
parenchyme hépatique de taille et d’écho structure normale. Les coprocultures
sont négatives, 2 hémocultures poussent à Staphylococus epidermidis
méthi sensible, (souillure). La RT-PCR du virus Chikungunya (CHK) le 0/02/2006
revient positive, de même que la sérologie (IgM) prélevée une semaine plus
tard. Les autres sérologies (hépatites A, B, C, herpès, CMV, EBV) sont
négatives et la sérologie de leptospirose témoigne d’une infection ancienne
(MAT positif mais ELISA IgM et PCR négatifs). Le traitement comporte alors une
réhydratation avec ajout de vitamines, la mise sous Ceftriaxone, Morphine ,
Oméprazole et Lactulose.
A l’arrivée dans le service de
médecine, 5 jours plus tard, l’on note des oedèmes généralisés, des lésions desquamatives
des extrémités de type pseudo-Kawasaki, un ictère cutanéo-conjonctival intense,
et une obnubilation toujours présente. Le TP se normalise (76%), l’albuminémie
est de 21g/L, l’anémie macrocytaire est
majeure (5,8g/l et VGM=102), les plaquettes sont à 233 000, les GB à
14770, les transaminases sont en voie de normalisation (ASAT :176 UI/l,
ALAT :92 UI/l), l’insuffisance rénale est corrigée (créatinémie :88
micromol/l). Le traitement de réanimation est poursuivi avec la transfusion de
2 culots globulaires. Le patient
retrouve son état habituel à J15, hormis un ictère et des oedèmes
persistants mais le bilan hépatique et celui de coagulation sont quasi
normalisés.
Discussion : Ce
patient, alcoolique chronique mais non cirrhotique, a présenté une hépatite
fulminante d’évolution favorable à la phase aiguë virémique d’une infection
CHK, sans autre cause, notamment médicamenteuse (données d’interrogatoire) ou
virale retrouvées. La recherche de toxiques n’a pas été réalisée. La question
de la toxicité hépatique directe ou indirecte du virus CHK (possibilité d’un
foie ischémique du fait de l’hypovolémie sévère à l’admission chez ce patient)
est donc posée. Plusieurs autres observations d’hépatites fulminantes, souvent
mortelles, sur terrain alcoolique et en nette recrudescence ont été décrites à
La Réunion depuis le début de l’épidémie de CHK, sans que l’on sache
précisément l’imputabilité du paracétamol ou du virus lui-même, ce qui
nécessitera des recherches ultérieures.