.
  La leptospirose à Mayotte: étude rétrospective des cas hospitalisés en 2002-2003

La leptospirose à Mayotte: étude rétrospective des cas hospitalisés en 2002-2003.

E. Cand 1.  Ph. Romand 2, G. Baranton. 3

1. Service des Urgences, G.H.S.R. BP 350, 97 448 Saint-Pierre. La Réunion, 2 Service pneumologie et maladies infectieuses, Hôpitaux du Léman. Thonon les bains ; 3 Institut Pasteur de Paris.

 

Contexte : La leptospirose, zoonose prédominant en zones intertropicales, est sous-diagnostiquée en raison de son polymorphisme clinique et de la difficulté d’accès aux outils diagnostiques. Mayotte est une île volcanique de 374 km², au sud-est de l’archipel des Comores, qui connaît une saison des pluies de novembre à avril. Elle compte 60 265 habitants d’origine africano-musulmane., dont 53% ont moins de 20 ans. La natalité est élevée avec 4,7 enfants par femme. L’immigration en provenance des trois autres île de l’archipel des Comores est forte, elle représente un tiers de la population de Mayotte.

Sur le plan sanitaire, la santé périnatale et infantile et la santé maternelle constituent les priorités. Le réservoir infectieux est riche : Paludisme (92% de P.Falciparum),Filariose lymphatique, dengue, infections sexuellement transmissibles (syphilis, gonococcies, chlamydioses, Sida), typhoïde, choléra d’importation, mycobactérioses (tuberculose, lèpre). Mayotte, collectivité départementale française en voie d’industrialisation, présente les conditions climatiques et d’exposition propices au développement endémique de la maladie.

 

Buts : Cette étude rétrospective des patients hospitalisés en 2002-2003 pour leptospirose tente de mieux définir le profil épidémiologique et clinique de la leptospirose à Mayotte, ainsi que ses particularités par rapport aux autres îles de l’océan indien.

 

Matériel et méthode : Étude rétrospective des cas hospitalisés au Centre Hospitalier de Mamoudzou de janvier 2002 à octobre 2003. Critères d’inclusion : clinique évocatrice et confirmation sérologique, clinique typique sans confirmation sérologique avec diagnostics différentiels écartés. Critères d’exclusion : sérologie faiblement positive avec diagnostic différentiel établi et dossiers inexploitables.

 

Résultats : Treize patients de sexe masculin, d’âge moyen 33 ans (extrêmes 12 à 68 ans) ont été retenus, avec un pic d’apparition en saison des pluies de novembre à avril (10/13 soit 77%). Ces patients issus du milieu rural (11/13 soit 85%).décrivaient les professions et occupations suivantes: éleveurs de zébus, chèvres; maçons, cultivateurs; professeur; bains en rivière.

Sur le plan clinique, ont été retrouvés : syndrome fébrile, algique avec asthénie (100%), ictère (85%), oligurie/anurie (69%), syndrome hémorragique (54%), hématurie (38%), atteinte pulmonaire (31%), signes digestifs (77%).

Sur le plan biologique : thrombopénie (92%), anémie (77%), élévation de l’urée et/ou créatinine (100%), hyper bilirubinémie à prédominance conjuguée (85%).

Sur le plan thérapeutique: dialyse (9/13 soit 69%), ventilation mécanique (4/13 soit 31%). Forte mortalité avec 3 décès/13 soit 23%.

Sur le plan sérologique : sérogroupe identifié chez 6 patients : Sejroe (50%), Grippotyphosa (33%). A noter l’absence de Icterohaemorraghiae.

 

Discussion : Les études menées aux Seychelles et à La Réunion font état de formes moins graves (mortalité 8%), où seules les données recueillies dans un service de réanimation de La Réunion se rapprochent de celles de Mayotte. Les facteurs d’exposition sont omniprésents sur l’île. L’incidence de la leptospirose maladie estimée en 2003 serait de 6 cas/100 000 habitants (les données sérologiques retrouvées depuis 1998 l’estiment entre 14 et 26 cas/ 100 000 habitants /an). Le réservoir animal est varié et encore mal connu, avec notamment des zébus et caprins (plutôt que des rats comme sur les autres îles).

D’un point de vue sérologique, depuis 1998, l’Institut Pasteur (Paris) retrouve un profil caractéristique, à savoir la très faible présence de Icterohaemorraghiae (6%). La différence est très nette en comparaison avec La Réunion et les Seychelles, où Icterohaemorraghiae est principalement incriminé dans la leptospirose maladie (35 à 88% selon les études).

 

Conclusion : Cette étude souligne le caractère sévère et endémique de la leptospirose à Mayotte, potentiellement grave et mortelle, et encore sous-diagnostiquée ; ainsi que ses particularités au sein de l’Océan Indien. L’incidence réelle est difficile à évaluer sur cette île où la structure sanitaire actuelle est limitée. La prédominance masculine et la moyenne d’âge rendent compte de l’exposition occupationnelle. L’influence de la pluviométrie est nette. La particularité du réservoir animal est à souligner, pour une fois le rat n’a pas le rôle principal. Enfin le profil sérologique semble propre à Mayotte, avec la quasi absence du sérogroupe Icterohaemorraghiae et la prédominance de Sejroe et Grippotyphosa.