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Chikungunya aux Urgences de Saint Paul : épidémiologie et clinique

Chikungunya aux Urgences de Saint Paul : épidémiologie et clinique

 

L Lavielle, M. Cartoux, C. Labit, Ph. Morbidelli

Centre Hospitalier Gabriel Martin. Saint-Paul, Réunion

 

Introduction : L’épidémie de chikungunya a mobilisé d’importantes ressources humaines et matérielles dès le début de l’année 2006. Quel a été l’impact réel de l’afflux des patients atteints de chikungunya sur la montée en charge de l’activité des urgences de Saint Paul, tant d’un point de vue quantitatif que d’un point de vue morbidité ?

Objectif : Quantifier l’impact de l’épidémie sur l’activité du service des urgences.

Décrire les caractéristiques socio-démographiques et cliniques des patients diagnostiqués atteints de chikungunya (chik+).

Méthode : Une enquête rétrospective a été réalisée en février 2006 sur les dossiers des patients diagnostiqués chik+ en fonction de leur tableau clinique à l’arrivée aux urgences ou d’un diagnostic clinique établi lors d’une consultation précédente. L’analyse a été réalisée par le logiciel Epi Info.

Le test du c2 de Mantel-Haenszel a été utilisé pour l’analyse de certains facteurs de confusion.

Résultats : En février 2006, le nombre de passages (3669) et d’hospitalisations (962) étaient bien supérieurs aux résultats observés en 2005 (respectivement 2480 et 604) et le restaient, même en ajoutant aux résultats 2005, les passages et hospitalisations liées aux patients chik+ en 2006.

646 patients ont été diagnostiqués atteints de chikungunya (17.6 %). Les patients chik+ comparés au reste des consultants étaient, plus âgés (moyenne : 53 ans versus 43 ans, p<0.001) et en majorité des femmes (60% versus 45%, p<0.001). Les patients chik+ ont été plus souvent hospitalisés suite à leur consultation (33.6% versus 24.6%, p<0.0001).

Parmi 646 consultants, 79% présentaient un tableau clinique classique, 6.5% un tableau clinique sévère, 8.5% une décompensation d’un antécédent (soit 15% de formes dites « graves »), 3.5% des signes de rechute et 2.5% des effets secondaires liés au traitement du chikungunya. Les patients chik+ (17.6%) provenaient principalement 1) des « bas » : La Saline (22%) et Saint Paul (20%), Le Port (12%) et Saint Gilles les Bains (15.5%) étant relativement épargnés ; 2) des zones situées à mi-hauteur : Bois de Nèfles (21%), la Possession (20%), Saint Gilles les Hauts (19%) excepté Trois Bassins (11.5%) ; 3) le Guillaume plus en hauteur ne présentait que 8% de chik+. Les tableaux cliniques les plus sévères étaient plus souvent rencontrés par les patients les plus âgés, présentant des antécédents, et chez les patients diabétiques. La présence d’antécédents et le diabète sont apparus des facteurs liés à la gravité clinique indépendamment de l’âge (c2 MH).

Discussion : l’augmentation d’activité des urgences en 2006, non totalement expliquée par les chik+, pourrait s’expliquer par 1) un recensement peu exhaustif des CHIK+, 2) une sous-estimation de formes atypiques du chikungunya, 3) la concomitance d’une morbidité, voire d’une épidémie associée ne répondant pas aux critères diagnostic du chikungunya, 4) un effet médiatique entretenant une certaine panique dans la population. L’hypothèse 1) nous apparaît peu probable dans le cadre de la surveillance attentive des tutelles sur le nombre de cas. Le fort taux d’hospitalisation limite la crédibilité de l’hypothèse 4), bien que les hospitalisations aient pu elles-mêmes être plus élevées dans le contexte d’épidémie répondant à un principe de précaution.

Conclusion : On a observé une sur-fréquentation des urgences pendant l’épidémie non totalement expliquée par les chik+. nous n’avons pas d’explications précises à la sur-représentation des femmes parmi les consultants CHIK+ en févier 2006. Une attention particulière est à prêter aux diabétiques, aux patients présentant des antécédents et aux personnes âgées infectées par le chikungunya.