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Apparition du chikungunya à la Réunion en 2005

Apparition du chikungunya à la Réunion en 2005

P. Renault (1), J. Thiria (2), E. Rachou (3), C. Lassalle (2) et V.Pierre (1).

 

(1)     Cellule interrégionale d’épidémiologie de la Réunion et Mayotte

(2)     Direction régionale des affaires sanitaires et sociales

(3)     Observatoire Régional de la Santé

 

Le virus chikungunya est un alphavirus de la famille des Togaviridae transmis par un moustique du genre Aedes (Ae aegypti, Ae.albopictus, Ae.polynesiens). Ce virus circule surtout en Afrique, Asie du Sud-Est et dans le sous-continent indien. Entre début janvier et la mi-mai 2005, une épidémie de chikungunya a sévit pendant 19 semaines aux Comores, constituant la première émergence du virus dans le sud-ouest de l’Océan Indien. A partir de la mi-avril, des cas suspects importés de Grande Comore étaient signalés à Mayotte et l’épidémie atteignait Maurice à la fin du mois d’avril. A la Réunion, dans le cadre d’un dispositif de vigilance mis en place par la Direction régionale des affaires sanitaires et sociales, un praticien du service de pneumologie du GHSR signalait le 29 avril un cas biologiquement confirmé d’infection par le virus chikungunya importé de Grande Comore, puis 3 cas autochtones cliniquement suspects le 4 mai. Le service de lutte anti-vectorielle a diligenté une enquête dans le voisinage des cas signalés qui a révélé l’existence de nombreux nouveaux cas suspects. Le dispositif de surveillance épidémiologique des arboviroses a alors été déclenché afin de suivre l’évolution de l’épidémie et d’orienter les actions de prévention et de lutte anti-vectorielle.

Méthode : La surveillance du chikungunya à la Réunion repose sur un dispositif de signalement suivi d’un repérage actif et rétrospectif des cas suspects par les équipes de lutte anti-vectorielle dans l’entourage des cas signalés. Les médecins sentinelles du réseau animé par l’Observatoire régional de la santé, les laboratoires de biologie médicale,  les médiateurs communaux et les malades constituent les sources du signalement. Le service de lutte anti-vectorielle repère les cas suspects récents et anciens dans les 10 maisons autour du domicile de chaque cas (signalé ou détecté) au moyen d’une fiche de renseignement standardisée et, de proche en proche, identifie les foyers de transmission. Parallèlement, les professionnels de santé ont été informés individuellement par la Drass de la réalité de l’épidémie et incités à prescrire des examens biologiques de confirmation. L’investigation entomologique porte sur la recherche de gîtes larvaires, sur l’identification et la capture de moustiques potentiellement vecteurs et sur la recherche du virus sur les moustiques capturés. Ce dispositif a été complété secondairement par le signalement à la Drass par les établissements de santé des cas de méningo-encéphalite associés à une infection par le virus chikungunya, y compris pour les nouveau-nés.

Résultats : L’épidémie de chikungunya à la Réunion a débuté dans la semaine du 28 mars 2005. 14 cas sporadiques pré-épidémiques ont été identifiés rétrospectivement à partir du 22 février. Entre le 28 mars et le 31 octobre 2005, 4409 cas de chikungunya ont été identifiés, parmi lesquels 1411 ont été confirmés biologiquement. Après une croissance exponentielle pendant 7 semaines, l’épidémie a atteint son apogée la semaine du 9 au 15 mai au cours de laquelle 460 cas étaient recensés. L’incidence hebdomadaire a ensuite diminué jusqu’à la semaine du 11 juillet puis s’est stabilisée depuis pour osciller entre 80 et 100 cas. L’absence de variation significative du nombre hebdomadaire de nouveaux cas est en faveur du passage de la maladie en mode endémo-épidémique. Toutes les classes d’âge sont concernées, mais plus particulièrement les plus de 30 ans qui représentent 74% des cas et les femmes (60% des cas renseignés). A l’exclusion des hauts de l’île, des foyers de transmission ont été identifiés dans pratiquement toutes les communes. Les symptômes les plus couramment rencontrés sont classiques pour cette infection : fièvre, arthralgies, myalgies et céphalées. Le caractère invalidant, rebelle et prolongé des arthralgies a été fréquemment signalé. Par ailleurs, 6 cas suspects de méningo-encéphalite ont été rapportés, dont 3 chez des nouveau-nés, tous d’évolution favorable. De tels cas n’avaient jamais été décrits jusqu’alors et leur interprétation est en cours.

Conclusion : Pathologie émergente à la Réunion en 2005, l’infection par le virus chikungunya y évolue désormais sur un mode endémo-épidémique. Il serait prudent d’envisager qu’elle persiste durablement.