.
 

Infection à Chikungunya chez l’enfant : épidémie réunionnaise 2005-2006 à St Denis

Infection à Chikungunya chez l’enfant : épidémie réunionnaise 2005-2006 à St Denis

 

H. Smedts Walters(1), S. Ernould(1), MC Jaffar Bandjee (2)

(1)Service de Pédiatrie, Centre Hospitalier Félix Guyon, St Denis

(2)Laboratoire de Microbiologie, Centre Hospitalier Félix Guyon, St Denis

 

L’Ile de la Réunion a été touchée en mars 2005 par une épidémie sans précédent d’infections à virus Chikungunya, arbovirus du genre alphavirus de la famille des Togaviridae, transmis par un moustique, l’Aedes albopictus à la Réunion. Au pic de l’épidémie en février 2006, en plein été austral chaud et humide, les services sanitaires régionaux estimaient le nombre de contaminations hebdomadaires à 46 000. Actuellement, les cas sont sporadiques, inférieurs à 10 par semaine. On estime à environ 300 000 habitants, soit 38,25% de la population réunionnaise, le nombre de personnes ayant contracté la maladie depuis son apparition sur l’île selon l’enquête de séroprévalence dirigée par le CIC-EC menée du 16 août au 20 octobre 2006 sur un échantillon représentatif de la population réunionnaise. Ces résultats corroborent l’estimation hebdomadaire faite par la Cellule Inter-Régionale d’Epidémiologie à partir des différents modes de déclarations de cas suspects et confirment en particulier le faible nombre de formes asymptomatiques (1 à 6%).

Les cas suspects ont été définis par l’association d’une fièvre brutale > 38,5°C associée à des arthralgies et/ou des céphalées, une éruption, des myalgies et l’absence de toute autre étiologie.

Ceux-ci ont été dits confirmés soit par la détection de particules virales par RT-PCR sur liquide biologique la première semaine des symptômes, soit par la réponse immunitaire de l’hôte à partir de la 2ème semaine (anticorps anti-chikungunya de type IgM).

Les pédiatres réunionnais ont rapidement constaté des formes particulières de cette maladie jusque là peu ou pas décrites. Les pédiatres néonatologues avec les gynécologues-obstétriciens ont mis en évidence des cas de transmission materno-fœtale du virus. Des formes atypiques parfois sévères et parfois associées ont été observées chez les enfants contaminés par piqûre de moustique.

Au Centre Hospitalier Félix Guyon de St Denis, 86 cas confirmés dont 65 hospitalisés, ont été rétrospectivement étudiés chez des enfants âgés de 10 jours à 17 ans révolus, du 1er janvier au 30 avril 2006, période couvrant le pic épidémique.

Contrairement à l’adulte, le sex ratio est > 1, un tiers avaient moins de 6 mois dont la quasi-totalité étaient hospitalisée.

Il a été dénombré parmi les formes atypiques d’infection à Chikungunya 15 formes cutanées bulleuses sévères chez des petits nourrissons, 25 formes neurologiques, 24 formes digestives, 8 formes cardiaques, 7 formes graves et 2 décès d’enfants présumés antérieurement sains.

En dehors de l’âge, en particulier pour les formes cutanées, il n’a pas été mis en évidence de terrain favorisant particulier et aucune forme chronique n’est dénombrée dans cette étude.

L’infection à Chikungunya atteint moins les enfants que les adultes. Rôle d’une comorbidité moindre, d’une protection individuelle plus attentive, d’une immunité croisée vaccinale ?

Les formes atypiques sont rares mais nécessitent des soins en milieu spécialisé et ont un bon pronostic dans la majorité des cas.

Le traitement est encore à ce jour purement symptomatique et repose principalement sur la prévention individuelle et collective contre les moustiques et l’éducation à la santé.

Des études épidémiologiques, immunologiques, virologiques, vectorielles, thérapeutiques, toxicologiques mais aussi sociologiques sont en cours et permettront de mieux comprendre cette épidémie et partant de mieux appréhender le futur : reprise épidémique voire nouvelle maladie émergente...