Méningo-encéphalites à Virus
Chikungunya : à propos d’1 cas à La Réunion (Océan Indien).
Gras G, Martinet O, Gaüzère B-A, Schlossmacher P,
Collignon B, Jaffar-Bandjee-MC, Schlossmacher P, Knezynski M, Pac-Soo AM,
Drouet D, Lefort Y. Centre Hospitalier Félix Guyon, 97405 Saint-Denis. Reunion.
Introduction :
La fièvre Chikungunya est due à un arbovirus
de la famille des togaviridae. Isolé en Tanzanie en 1953, il est transmis de
vertébré a vertébré par un moustique du genre Aedes.Cette arbovirose existe a
l’état endémique en Afrique subsaharienne sur le sous continent Indien et en
Asie du Sud Est. En 2005, les Iles de l’Océan Indien ont été atteintes pour la
première fois par une épidémie, qui a atteint la Réunion après avoir touché
successivement les Comores, Mayotte et Maurice. Nous rapportons un cas de forme
grave de la maladie avec atteinte neurologique sous la forme de
méningo-encéphalite sévère.
Une femme de 24 ans, est
hospitalisée en urgence pour troubles du comportement récents avec fièvre. Elle
a accouché deux mois auparavant d’un troisième enfant a terme par césarienne
sous rachianesthesie. Les antécédents comportent uniquement une HTA gravidique
récidivante. Elle réside à l’île de la Réunion et n’a pas voyagé au cours des derniers mois. Les symptômes ont
débuté 3 jours plus tôt par des céphalées, de la fièvre, des myalgies et des
vomissements. La veille de l’hospitalisation, elle a présenté un érythème du
visage et une aphasie. L’examen clinique
initial retrouve une température à 39,4°C, une raideur de nuque et une
aphasie motrice sans déficit sensitivo-moteur associé.
Le bilan biologique pratiqué
retrouve : GB 11 giga / L dont 80% de polynucléaires neutrophiles,
pas de troubles de la coagulation, pas de thrombopénie, pas de désordres
hydroélectrolytiques, la CRP est à 21 mg/L. Un scanner cérébral sans injection
s’avère normal.
La ponction lombaire met en
évidence une pléiocytose à 110 GB/mm3 dont 85% de polynucléaires
neutrophiles, la protéinorachie est à 0,60 g/L, la glycorachie normale.
L’examen direct bactériologique est négatif.
Un
traitement associant amoxicilline 200mg /kg/jour IV et cefotaxime 200mg
/kg/jour IV est débuté. Le lendemain, devant l’apparition de troubles de la
conscience, la patiente est transférée en service de Réanimation.
L’examen retrouve une fièvre à
38,6°C, la pression artérielle est normale. Le score de Glasgow est égal à 9.
Il persiste un syndrome méningé et une aphasie. On note une paraplégie flasque
et un déficit moteur du membre supérieur droit sans signes pyramidaux associés;
on retrouve une réaction adaptée à la
douleur du membre supérieur gauche.
A la précédente antibiothérapie est ajoutée de l’aciclovir
30 mg/kg/jour dès l’arrivée par voie intraveineuse.
L’aggravation rapide des troubles
de la conscience va imposer le recours à la ventilation mécanique. Un nouveau
scanner cérébral avec injection, pratiqué le 26 juillet, est normal.
L’EEG note un tracé de souffrance
cérébrale delta, monomorphe, riche en pointes ondes triphasiques, rythmiques,
compatibles avec une méningo-encéphalite. L’IRM encéphalique est normale
(appareil 1,5 Tesla) sur des séquences axiales pondérées en écho de spin T1,
T2, et T2. La patiente a bénéficié d’une injection de Gadolinium, une thrombophlébite
cérébrale ayant été évoquée.
Une deuxième ponction lombaire
montre : 300 GB/mm3 dont 99% de lymphocytes, la glycorrachie
reste normale et la protéinorachie est à 0,68 g/L, l’examen direct est de
nouveau négatif. Ce résultat motive alors l’arrêt du céfotaxime.
Les
prélèvements bactériologiques sont négatifs de même que la recherche de BK. Le
frottis sanguin, la goutte épaisse et l’antigénémie parasitaire sont négatifs.
La recherche par PCR dans le LCR du CMV et de HSV1 et HSV2 ,d’entérovirus est négative. Les sérologies virales (HSV,
CMV, EBV,VZV, entérovirus,oreillons, grippe A et B) sont négatives.
L’antigénémie des listérioses et les sérologies syphilitique du mycoplasma
pneumoniae et de la leptospirose sont négatives. La sérologie des arbovirose
s’avère positive en IgG et IgM pour CHIK dans le sang et le LCR, négative pour
West Nile et Dengue. La RT-PCR et la recherche virale de CHIK sont négatives,
compte-tenu du délai du prélèvement par rapport au début de la symptomatologie.
L’apyrexie est obtenue à J 3. On
note un réveil progressif à partir du 5ème jour avec présence d’une
tétraparésie asymétrique prédominant à l’hémicorps gauche retardant le sevrage
respiratoire. L’extubation est possible au 10ème jour. Il persiste
un déficit moteur de l’hémicorps gauche, une dysarthrie, des troubles des
fonctions supérieures avec MMS à 23/30 et une incontinence urinaire partielle.
L’évolution ultérieure est progressivement favorable avec régression du déficit
moteur et amélioration des fonctions supérieures. L’examen urodynamique met en
évidence une vessie neurologique de type central. La patiente regagne son
domicile au 25e jour.
Discussion : La
symptomatologie classique de l’infection associe après une incubation de 2 à 10
jours une fièvre d’apparition brutale à des douleurs articulaires et
musculaires intenses. Chikungunya signifie marché courbé en Swahili- et souvent
un rash cutané de type exanthème morbilliforme. L’infection, considérée comme
bénigne guérit sans séquelles dans 90% des cas mais il est parfois observé des
tableaux d’oligo ou polyarthrites non destructrices prolongés. Dans la
littérature, seul un cas de méningo-encéphalite a été rapporté en 1972, au
Cambodge, chez un enfant de 5 ans.
Après élimination des diagnostics
différentiels classiques des méningo-encéphalites à liquide clair, le
diagnostic d’infection à Chikungunya a été affirmé par séroconversion
plasmatique et la mise en évidence d’anticorps de type Ig M dans le LCR.
Références
Viral infections : a-viral arthropathie Paul E. Mc Gill Bailière’s
Clinical Rheumatology, Vol 9, No 1, Feb 1995 pp145-150
Chikungunya virus infection A Retrospective Study of 107 cases. S.W
Brighton, O.W. Prozesky, A.L. De La Harpe. SA Medical Journal, Vl 63,
1983, Feb, 313-315
Theodore Tsai.Chikungunya fever In Tropical diseases pp 246-248