Ré-émergence du chikungunya à la Réunion en 2010
E.
Balleydier1 (elsa.balleydier@ars.sante.fr), T. Margueron2, M. Grandadam3, D.
Polycarpe 4, L.Filleul1
1 Cellule de l’InVS en région Océan Indien,
Saint-Denis, Réunion, France
2 Service de lutte anti-vectorielle de l’Agence de Santé
Océan Indien, délégation Réunion, Saint-Denis, Réunion, France
3 CNR des arboviroses, Institut Pasteur, Paris
4 Direction Veille et Sécurité Sanitaire de l’Agence de
Santé Océan Indien, Saint-Denis, Réunion, France
Introduction. Depuis l’épidémie de 2005-2006, la Réunion était en
inter-épidémie pour le chikungunya, seul un foyer de 5 cas avait été identifié
en août 2009 à Saint-Gilles-les-Bains. Le 17 mars 2010, une personne résidant à
Saint-Paul, et n’ayant pas voyagé a présenté des symptômes compatibles avec une
infection à virus chikungunya (vCHIK) et des IgM anti-vCHIK positives. D’autres
cas cliniquement compatibles ont été signalés dans la même zone. Le 28 mars, un
de ces cas est confirmé par RT-PCR positive. Cette confirmation d’un cas autochtone
de chikungunya a entrainé un renforcement de la surveillance.
Méthodes. Le système de surveillance s’appuie sur le
signalement par les laboratoires des résultats biologiques compatibles avec une
infection récente (IgM, RT-PCR ou isolement viral). Les cas sont classés
selon les définitions suivantes :
- cas confirmé : isolement viral, mise en évidence du
génome viral par RT-PCR, séroconversion ou augmentation récente du titre des IgG
≥ 4 fois sur 2 sérums prélevés à 2 semaines d'intervalle minimum.
- cas probable : syndrome dengue-like1
ET des IgM chikungunya limites ou positives.
Résultats. Entre le 17/03/10 et le 28/10/10, 112 cas confirmés
et 41 cas probables ont été identifiés. Pour les cas confirmés, le sexe ratio
(H/F) était de 0,81 et l’âge médian était de 39 ans [3 mois-80 ans]. La fièvre
était présente chez 91,9% des malades, 93,7% ont présenté des arthralgies,
81,1% des céphalées, 80% des courbatures. Six cas ont été hospitalisés, mais
aucun cas grave ou atypique n’a été identifié. Parmi l’ensemble des cas, entre
les semaines 7 et 18, le foyer de Plateau Caillou concernait 36 cas (soit 23,5%
de l’ensemble des cas). Le foyer s’est peu à peu étendu à la commune de Saint-Paul
entre les semaines 9 à 34 (avec 69 cas soit 45,1% du total des cas). A partir
de la semaine 13, quelques cas sporadiques (n=48) ont été retrouvés dans
d’autres communes mais sans donner lieu à des foyers de transmission. Huit cas
ont été importés (6 de Madagascar et 2 d’Indonésie). Les premières analyses des
souches virales indiquent une forte homogénéité entre la souche identifiée en
août 2009, celle isolée à Plateau-Caillou en mars 2010 et celle circulant à
Madagascar depuis 2006.
Discussion. Ces résultats sont en faveur d’une réintroduction du
vCHIK à la Réunion depuis Madagascar. L’hypothèse la plus probable est
l’installation d’un cycle de transmission autochtone impliquant une ou
plusieurs personnes revenues virémiques de Madagascar. La survenue de cas
autochtones se poursuivant dans le temps, confirme une transmission virale
locale et persistante du virus sur l’île. Ce virus circulant à bas bruit et de
manière endémique à Madagascar depuis 2005, le risque de réintroduction est
constant. L’immunité de population réunionnaise suite à l’épidémie de 2005-06
est très probablement hétérogène et en baisse. L’hiver austral va contribuer à
limiter la transmission de part la diminution d’activité du vecteur, qui reste
néanmoins présent en zone urbaine toute l’année. Par conséquent, au prochain
été austral, l’apparition de foyers dans des zones ou l’immunité serait plus
faible voire une reprise épidémique sont des éventualités à prendre en
considération.