L’épidémie de choléra aux
Comores (février à décembre 2007) : un nouveau pas vers
l’endémisation ?
N. Check-Abdoula, P. Aubry, B. Simon, B-A Gaüzère
Plate
forme d’intervention régionale de l’Océan indien, Croix rouge française, 96 Rue
Didot, 75014 PARIS.
Introduction. L'Union des Comores (700 0000
habitants) a connu plusieurs épidémies de choléra : 1975, 1998;
2001-2002 ; 2003. Les indicateurs de santé y sont faibles : total
annuel des dépenses de santé par habitant 25 $ (2,7 % du PIB) ; espérance
de vie 62,64 ans ; mortalité infantile 72,8/1000. ; population ayant
accès à l'eau potable 42% en milieu urbain et 29% en milieu rural.
Patients et
méthodes : Etude rétrospective de
septembre 2007 à février 2007 et prospective de septembre à novembre 2007 dans
les 3 centres de traitement du choléra de Grande Comore et les 2 de Mohéli. Cas
suspect : « Personne de 5 ans ou plus présentant au moins 4 selles
liquides par jour, ou après confirmation bactériologique ». Les
échantillons de selles ont été testés au Centre Hospitalier National de Moroni.
Résultats : Du 25 février au 8 décembre 2007, 1567 cas dont 29
décès intra hospitaliers (létalité 1,85 %), taux d’attaque 22,9/10 000. Le nombre des décès à domicile n’est pas connu.
Latence de février à août avec quelques dizaines de nouveaux cas par semaine,
suivie d’une flambée en première semaine du mois d’août à la suite d'un repas
communautaire en Grande Comore. Le dernier cas a été signalé le 8 décembre.
Majorité des cas en Grande Comore (96,4%), avec taux d’attaques quatre fois plus
importants à Mitsamiouli, Moroni et Fombouni. A Mohéli, premiers cas suspects
ont été enregistrés en semaine 32 avec 55 cas, 1 décès. Répartition selon le
sexe non précisée. Taux d’attaque
proportionnel avec l’âge, plus important à
partir de 30 ans.
Les repas communautaires ont
constitué la source principale de contage. L’immense majorité des patients ne
disposent ni de latrines, ni d’eau courante. Le système d’adduction d’eau de la
capitale Moroni est vétuste, sans contrôles de chloration.
24 échantillons de selles positifs
pour Vibrio cholerae sérogroupe O1, sérotype Ogawa. La classification de
la déshydratation de l’OMS en trois stades a du être rappelée au personnel
soignant, mais n'a été suivi que de peu d'effets. Au plan thérapeutique, alors
que le mode de réhydratation oral doit être privilégié, la plupart des patients
ont bénéficié de réhydratation par voie intraveineuse.
Discussion.
Le recueil des données épidémiologiques est incomplet Le cas princeps a
été importé de Zanzibar. La
différence de mode d’approvisionnement en eau explique la très forte prévalence
en Grande Comore : absence de cours d’eau, citernes d’eau pluviale non
chlorés, à ciel ouvert et polluées.
Le pic épidémique des mois de
juillet et août correspond au retour de la diaspora pour la célébration des
grands mariages. Pauvreté, promiscuité, absence d'hygiène, approvisionnement
insuffisant en eau potable sont les principaux déterminants du choléra en
Grande Comore, comme en Afrique subsaharienne. L’expérience du personnel formé
lors des précédentes épidémies n’a pu être mobilisée : démotivation par
des retards de salaires, exercice en secteur privé, émigration. La formation du
personnel médical et paramédical a du être reprise entièrement avec un succès
très relatif. La désinfection des foyers, la prise de doxycycline par les cas
contacts a permis de circonscrire
tardivement l’épidémie et de limiter les contaminations dans un même foyer.
Le taux de létalité (1,9%)
inférieur au taux de létalité mondial (2,66% en 2006), est 4 fois plus élevé
que celui de l’épidémie de Dakar en 2004, témoignant d’un retard à
l'hospitalisation et d’une prise en charge inadaptée. 97% de la population est
dans un rayon de moins de 15 km d’un des 47 postes de santé, la proportion des
exclus des soins de santé de base est de 80%. La vaccination n’a pas été
envisagée comme mesure préventive. Les tests de diagnostic rapides par
bandelettes sur prélèvement de selles n’ont pas été utilisés : ils
auraient pu éviter de faux diagnostics.
Conclusion : Risque d’endémisation
du choléra, difficultés persistantes d’accès aux soins de qualité.