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Polyneuropathies par hypovitaminose B1 aux îles de la Réunion et Mayotte, à propos de 70 patients d'origine mahoraise et comor

Polyneuropathies par hypovitaminose B1 aux îles de la Réunion et Mayotte, à propos de 70 patients d'origine mahoraise et comorienne

E. Doussiet¹, C. Roussin², J.M. Vallat³, C.Charlin¹, P. Tournebize¹, F. Darcel¹

¹Service de Neurologie – CHR – 97448 Saint-Pierre Cedex – France

²Service de Médecine Polyvalente – Centre Hospitalier de Mayotte – 97600 Mamoudzou- France

³Service de Neurologie – CHU – 87042 Limoges – France

 

Introduction. Le béribéri est une pathologie liée à un déficit en B1, rare hors des pays en voie de développement et des camps de réfugiés où l'alimentation repose sur du riz poli pauvre en thiamine. Cette étude a pour objectif d'analyser les caractéristiques cliniques, biologiques et les causes, d'une neuropathie par hypovitaminose B1 (béribéri sec) retrouvée, exclusivement, chez des patients originaires de l'archipel des Comores vivant sur le territoire français.

Méthodes. 70 patients (23 hommes, 47 femmes), jeunes (âge moyen 27 ans [11 à 62 ans,]) originaires de l'archipel des Comores, vivant à Mayotte (n=52), à la Réunion (n=17) ou en France métropolitaine (n=1), ont été examinés à la Réunion ou à Mayotte entre 1997 et 2005.

Résultats. Les paresthésies étaient inaugurales dans 95 % des cas. Un déficit moteur aréflexique ascendant d'intensité variable était présent aux membres inférieurs dans 97 %, supérieurs dans 60 %. L'étude électroneuromyographique identifiait une axonopathie sensitivomotrice (n=20). Le liquide céphalorachidien (n=52) était normal. Avant traitement, la vitamine B1 totale et la transcétolase érythrocytaire étaient abaissées. Le test d'activation qui consiste à mesurer l'augmentation de l'activité transcétolasique de base après addition, in vitro, de pyrophosphate de thiamine était supérieur à 30 %. La gravité du déficit moteur était proportionnelle à l'ancienneté des troubles et non au déficit en thiamine. La vitaminothérapie B1 a apporté une amélioration d'autant plus significative et rapide qu'elle était précoce.

Discussion. Les patients originaires de l'île d'Anjouan (n=31) et de la Grande Comore (n=13) résidaient sur le territoire français en moyenne depuis 4 ans, ce qui élimine une pathologie importée. Le déséquilibre du ratio F/H (64%) s'explique par le fait que 72% des femmes étaient enceintes ou allaitaient, conditions connues pour augmenter les besoins en vitamine B1 et donc favoriser un déséquilibre nutritionnel sous-jacent. L'alimentation à base de riz poli, riche en hydrates de carbone, est en grande partie responsable, par carence d'apport, de cette pathologie ; cependant, des éléments orientent vers une prédisposition génétique : notion de cas familiaux, récidives, inégalité devant la maladie: tous les sujets soumis au même régime ne présentant pas de neuropathie. Il faut souligner l'attachement de cette population d'origine Comorienne à son mode d'alimentation, conservé lors des migrations, soit vers la Réunion, soit vers la métropole.

Conclusion. Cette étude souligne l'existence d'une pathologie, habituellement limitée à des zones défavorisées, probablement multifactorielle, susceptible d'être rencontrée sur le territoire français tant en métropole (Région Provence Alpes Côte d'Azur) qu'à Mayotte ou à la Réunion. Il convient de souligner la nécessité d'une prévention par une éducation alimentaire volontariste auprès des populations comoriennes émigrées sur le territoire français et par la possibilité d'accès à du riz supplémenté en vitamine B1 comme ceci a pu être réalisé dans d'autres pays