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  Une épidémie de dengue 1 à La Réunion en 2004

Une épidémie de dengue 1 à La Réunion en 2004

V.Pierre (1), J. Thiria (2), E. Rachou (3), C. Lassalle (2) et P. Renault (1)

(1)     Cellule interrégionale d’épidémiologie de La Réunion et Mayotte,

(2)     Direction régionale des affaires sanitaires et sociales

(3)     Observatoire Régional de la Santé

 

La dernière épidémie attribuée à la dengue qu’ait connue La Réunion date de 1977 – 1978. A l’époque, la caractérisation biologique des cas n’avait retrouvé que quelques séroconversions et une prévalence élevée d’anticorps anti-dengue. Le virus de la dengue type 2 a été suspecté d’être à l’origine du phénomène. Depuis cette date, aucune épidémie de dengue n’avait plus été observée à La Réunion.

En avril 2004, l’Observatoire Régional de la Santé a été alerté par un biologiste du réseau GROG (réseau de surveillance de la grippe et de la dengue à La Réunion), sur la survenue d’un cas d’infection par Flavivirus sérologiquement confirmé alors que des résultats sérologiques étaient attendus pour d’autres personnes ayant présenté des signes cliniques et biologiques similaires. La surveillance épidémiologique multidisciplinaire mise en place à la suite de ce signalement, a permis de confirmer puis de suivre l’évolution de l’épidémie et d’orienter les mesures de prévention et de lutte contre la dengue.

Méthode : A La Réunion, la surveillance épidémiologique de la dengue repose sur le réseau GROG, réseau sentinelle mis en place par la DRASS en 1996 et coordonné par l’ORS. Ce réseau a pour objectifs de documenter la circulation des virus de la dengue et de la grippe, de décrire les épidémies de diarrhées aiguës et d’apprécier la fréquence des urétrites masculines. La confirmation de cas groupés a conduit, dès le début du mois de mai, à renforcer la surveillance de la dengue dans le but de vérifier la réalité de l’épidémie, d’identifier le virus responsable, d’en déterminer la localisation et de suivre son évolution.

En pratique, cette surveillance a associé plusieurs partenaires : Les médecins du réseau GROG ont déclaré les cas suspects de dengue et prescrit les examens biologiques pour confirmer le diagnostic et caractériser le virus. Les services hospitaliers  (pédiatrie, infectiologie et urgences), étaient chargés de signaler les formes sévères de dengue. Le service Santé - Environnement de la DRASS a effectué une recherche active des cas suspects autour des cas signalés lors de ses interventions sur le terrain. Enfin, les laboratoires de biologie médicale (publics et privés) de La Réunion ont déclaré les cas positifs dont ils avaient connaissance et ont été sollicités pour adresser des prélèvements biologiques au CNR des arbovirus dans le but d’identifier rapidement le virus.

Parallèlement, les professionnels de santé ont été informés individuellement par la DRASS de la réalité de l’épidémie et incités à prescrire des examens biologiques de confirmation. Les médecins de l’Ouest de l’île, zone de l’épidémie, ont également contribué à la surveillance en déclarant les cas suspects dont ils avaient connaissance.

L’investigation a aussi porté sur la recherche de gîtes larvaires, sur l’identification et la capture de moustiques potentiellement vecteurs et sur la confirmation que ces moustiques étaient porteurs du virus.

Résultats : Le virus responsable a été identifié par le Centre national de référence dès le 12 mai comme étant un virus dengue 1. Entre le 30 mars et le 1er juillet, l’épidémie a touché 228 personnes dont 129 femmes, principalement des personnes âgées de plus de 30 ans (71 % des cas) et très peu d’enfants de moins de 15 ans (15 % des cas). Il n’a pas été rapporté de cas répondant aux critères de dengue sévère définis par l’OMS. Près de 80 % des cas résidaient dans seulement 3 communes de l’île et, au sein de ces communes, dans des zones assez restreintes. Le vecteur responsable est vraisemblablement A. albopictus retrouvé porteur du virus par le CNR.

Conclusion : Cette épidémie, d’ampleur limitée, démontre cependant que le virus de la dengue circule à La Réunion. Il est important de sensibiliser la population à ce risque et de l’inciter à lutter contre les moustiques, tant au niveau individuel que collectif. Parallèlement aux actions d’éducation sanitaire, il convient de renforcer et de pérenniser un système de surveillance pluridisciplinaire, y compris en période inter épidémique, afin de détecter au plus tôt l’émergence d’un phénomène épidémique.