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Les épidémies de dengue aux Antilles-Guyane dans un contexte d'émergence et de réémergence des arboviroses

Les épidémies de dengue aux Antilles-Guyane dans un contexte d'émergence et de réémergence des arboviroses.

Pierre Aubry, 11 avenue Pierre Loti, Saint Jean de Luz, 64 500.

 

Lors du Symposium “Chikungunya et autres arboviroses en milieu tropical” qui s'est tenu à La Réunion en décembre 2007, plusieurs communications ont traité de la dengue aux Antilles-Guyane, alors qu'une importante épidémie sévissait en Martinique et en Guadeloupe. Une modification de l'épidémiologie de la dengue dans les départements français d'Amérique (DFA) a alors été soulignée, deux hypothèses étant discutées : soit que la dengue devienne hyperendémique, soit que les dispositifs de surveillance aient conduit à un suivi épidémiologique plus précis. La première hypothèse nous parait la plus vraisemblable. On assiste, en effet, depuis plusieurs années d'abord en Guyane, puis plus récemment aux Antilles, à une circulation simultanée de plusieurs des 4 virus de la dengue, à une augmentation des cas en période inter épidémique, à une augmentation de la gravité des formes cliniques.

Les facteurs qui peuvent concourir à cette évolution vers l'hyperendémicité font appel à des phénomènes dépendant de l'hôte infecté (l'homme), des virus (les 4 virus de la dengue), des vecteurs (moustiques anthropophiles du genre Aedes).

La dengue a été introduite aux Antilles-Guyane, comme ailleurs, grâce à la multiplication des voyages internationaux, à l'extension anarchique des agglomérations urbaines qui favorisent la création de nouveaux gîtes larvaires et la transmission des virus. Mais, la dengue n'est pas la seule arbovirose a avoir émergé et réémergé dans le monde depuis les années 1950. D'autres arboviroses transmises par des moustiques, ayant pour caractéristiques leur extension géographique et la survenue de formes graves, ont émergé ou réémergé.

Nous nous limiterons à deux exemples qui sont d'actualité : l'infection à virus West-Nile et l'infection à virus Chikungunya.

Le virus West-Nile, isolé pour la première fois en Ouganda (1937), connu en Afrique, à Madagascar, au Moyen-Orient, en Inde, en Europe, cause d'un syndrome dengue-like, a commencé à faire parler de lui lorsqu'il a été reconnu responsable d'épidémies meurtrières d'encéphalites dès 1950. En 1999, le virus WN a “débarqué” à New-York et s'est rapidement implanté dans tous les Etats-Unis, au Canada et en Amérique latine. Il s'est réveillé en 2000-2003 dans le sud de La France métropolitaine après 35 ans de silence.

Le virus Chikungunya, isolé pour la première fois en Tanzanie (1952), connu en Afrique et en Asie, cause d'un syndrome dengue-like, a étendu son aire de diffusion en 2004-2006, à partir du Kenya vers les îles de l'Océan indien. Des pathologies nouvelles et graves ont été rapportées en particulier à l'île de La Réunion.

Comment expliquer ces émergences et réémergences des arboviroses? La récente épidémie de Chikungunya nous servira d'exemple pour répondre à cette question. L'augmentation du trafic aérien international et la rapidité des transports explique l'épidémie de Chikungunya en Italie durant l'été 2007, le commerce international explique la présence du vecteur Ae. albopictus arrivé en Italie avec le commerce  des pneumatiques usagés, la mutation du virus pendant l'épidémie de La Réunion explique l'adaptation du virus au vecteur Ae. Albopictus et l'ampleur de la transmission. Quant aux changements climatiques, leur impact est encore difficile à apprécier, mais l'efficacité du couple virus-vecteur, tous deux importés, a été évidente en Italie, le climat estival ayant créé des conditions favorables, mais n'ayant pas été exclusif.