.
 

La fièvre Q à la Réunion : maladie émergente ou diagnostic émergent

La fièvre Q à la Réunion : maladie émergente ou diagnostic émergent ?

ARTAGNAN M.1, MOITON M-P2, D’ORTENZIO E.3 , GAÜZERE B-A4

1Service de réanimation polyvalente GHSR Saint-Pierre, 2Service de Médecine interne CHD, 3CIRE Réunion-Mayotte / InVS, 4Service de réanimation polyvalente CHD Saint-Denis.Réunion.

 

Introduction : La fièvre Q est une zoonose ubiquitaire, peu décrite chez l’homme à la Réunion. Nous rapportons deux cas d’infection graves à Coxiella burnetii survenus en juillet 2007 dans le sud-ouest de l’île. Ces observations nous interrogent sur l’éventuelle émergence de cette infection à la Réunion.

Observation 1 : Il s’agit d’une patiente de 60 ans aux antécédents de polyarthrite rhumatoïde traitée immuno-supresseurs hospitalisée en service de réanimation pour troubles de la conscience et insuffisance cardiaque, dans un contexte de pneumopathie. Le diagnostic de forme aiguë de fièvre Q a été retenue devant un tableau associant pneumopathie, myocardite, méningo-encéphalite, avec positivité de la sérologie Coxiella Burnetii. L’évolution a été péjorative malgré un traitement par cycline et plaquénil.

Observation 2 : Il s’agit d’un homme de 48 ans hospitalisé en juin 2007 pour fièvre, porteur d’une bioprothèse aortique posée en 1986, aux antécédents d’accident vasculaire cérébral en septembre 2006 et d’ischémie sous AVK en juin 2007. Le diagnostic d’endocardite a été retenu devant la découverte d’une végétation aortique à l’échographie. Les prélèvements bactériologiques standards étaient stériles. L’évolution s’est compliquée d’un infarctus spléniques post-emboliques malgré l’antibiothérapie à large spectre. Une décision chirurgicale a été prise devant le non contrôle septique et l’apparition d’une insuffisance cardiaque. La PCR réalisée sur la valve et la sérologie étaient positives pour C. burnetii. Un traitement par cycline, ofloxacine et plaquénil a alors été initié permettant une amélioration clinique rapide.

Discussion : En France métropolitaine, l'incidence de la fièvre Q est variable selon les régions (50 / 100 00 hab / an dans le sud pour la forme aiguë). Dans la zone du sud-ouest de l’océan indien, les cas humains rapportés dans la littérature sont très rares. A la Réunion, le premier cas humain signalé aux autorités sanitaires a été rapporté en juin 2007. La maladie chez l’animal existe mais son incidence est inconnue. Les conditions écologiques et climatiques semblent pourtant réunies pour une présence de cette maladie sur l’île : cheptel contaminé, rôles des alizés dans la diffusion des aérosols infectieux.

Conclusion : L’incidence de l’infection à C. burnetii est probablement sous-estimée à la Réunion du fait d’une symptomatologie polymorphe et aspécifique de la maladie ne permettant pas un diagnostic précoce. Les médecins réunionnais devraient être sensibilisés à la réalisation plus systématique de sérologies C. Burnetii devant un syndrome pseudo-grippal associé à une pneumopathie interstitielle, une hépatite ou plus rarement une myocardite ou une méningo-encéphalite. La fièvre Q devrait également être recherchée devant une fièvre au long cours ou en présence d’une endocardite à hémoculture négative, chez les sujets exposés professionnellement (éleveurs, vétérinaires…), chez les immunodéprimés, chez les porteurs de valvulopathies et chez les femmes enceintes. Un diagnostic précoce permettrait la mise en place d'un traitement efficace diminuant ainsi le risque de passage à la chronicité ou à la survenue de complications graves. Enfin, seule une étude de séroprévalence de l’infection à C. burnetii pourrait estimer l’ampleur de la fièvre Q à la Réunion.