Un syndrome de Guillain-Barré grave lors de l’infection par
le virus Chikunguny à La Réunion (Océan Indien).
Lebrun G, Reboux A.H, Drouet D, Pac-Soo A.M, Lefort Y, Schlossmacher, O.
Martinet, Gaüzère B-A
Service de Réanimation, Centre Hospitalier Félix Guyon, 97405
Saint-Denis. Réunion
Introduction : Nous
rapportons le premier cas d’un syndrome de Guillain-Barré grave survenant après
une infection à Chikungunya (CHK). Le virus CHK est
un Alphavirus (groupe A des arbovirus), de la famille des Togaviridae. Il
s’agit d’un virus à ARN transmis par un arthropode vecteur, l’Aedes albopictus (1). Une épidémie à CHK sévit à La Réunion depuis mars 2005.
Observation : Une femme de 51 ans aux antécédents
d’hypertension artérielle et de diabète de type 2 a été admise dans le service
de réanimation polyvalente en décembre 2005. Trois semaines avant son
admission, elle a présenté une fièvre à 38°C associée à des arthralgies
diffuses, une éruption cutanée et une diarrhée. Secondairement sont apparus une
diplégie faciale sans troubles de déglutition puis une paresthésie des 4
membres et enfin un déficit moteur des 4 membres. L’examen neurologique met en
évidence une hypotonie généralisée avec un déficit moteur coté à 2/5, une
diplégie faciale et une abolition des réflexes ostéo-tendineux. Il existe
également des troubles proprioceptifs.
La ponction lombaire ramène un liquide clair avec
dissociation albumino-cytologique : leucocyte 1/mm3 ,hématies= 5/mm3 ;
protéinorachie à 1.44 g/l (N=0.20-0.40), glycorachie 3.9 mmol/l pour une
glycémie à 6.7 mmol/l. La culture du LCR est négative en milieu aérobie et en
milieu spécial (recherche de BK négative). L’électromyogramme (EMG) retrouve un
aspect de polyradiculonévrite avec un bloc de conduction, une augmentation des
latences distales motrices, une dispersion temporelle importante et une
réduction des vitesses de conduction. On note également la disparition des
potentiels sensitifs étudiés. Le diagnostic de syndrome de Guillain-Barré est
posé et un bilan étiologique est réalisé : il est retrouvé la présence
d’anticorps de type IgM et IgG anti-chikungunya dans le sérum et le liquide
céphalo-rachidien. La PCR CHK
(méthode de Taq-Man) dans le sérum est négative ce qui traduit une période de
virémie relativement brève. Les sérologies des autres arbovirus dont la Dengue
et West-Nile sont négatives. Les sérologies de Campylobacter jejuni, du VRS (virus respiratoire syncytial) et de
la syphilis sont négatives. Les sérologies Mycoplasme pneumoniae et
d’EBV sont en faveur d’une infection ancienne (IgG positifs, IgM négatifs).
L’évolution est marquée par une aggravation rapide de l’état neurologique
nécessitant le recours à la ventilation mécanique. La patiente a été traitée
par immunoglobulines polyvalentes humaines (TEGELINEâ)
à la posologie de 0.8 g/Kg/j pendant 3 jours de suite. L’amélioration
neurologique est rapide permettant le sevrage de la ventilation mécanique en
douze jours et une récupération motrice et sensitive quasi-complète en deux
mois.
Discussion : Le
diagnostic de syndrome de Guillain-Barré est affirmé tant par la clinique que
par les examens complémentaires (dissociation albumino-cytologique, bloc de
conduction à l’EMG) (2). Sur le plan étiologique, les principaux agents
infectieux incriminés dans la survenue d’un syndrome de Guillain-Barré ont été
recherchés et sont négatifs (3). Il existe très peu d’arguments pour une
neuropathie diabétique (diabète récent et non compliqué, caractère aigu et
récupération quasi-complète du déficit neurologique). Par contre, la présence
d’IgM et IgG CHK dans le sérum
et le LCR et l’absence d’autre infection associée nous permet de conclure à
l’imputabilité de l’infection à CHK dans la survenue du syndrome de
Guillain-Barré. Cette atteinte neurologique du virus du CHK, confirmée par la présence du virus dans le LCR, n’est pas
surprenante compte tenu du tropisme neurologique des arbovirus (4, 5) et des
cas de méningo-encéphalites rapportés après une infection par le virus du CHK à La Réunion (6). De plus, dans
le service de neurologie du même hôpital, plusieurs cas de syndrome de
Guillain-Barré ont été diagnostiqués après une infection prouvée par le virus
du CHK (données non publiées).
Conclusion : Nous décrivons le premier cas grave de syndrome de
Guillain-Barré survenant après une infection par le virus CHK. Il convient donc d’être vigilant
sur les signes neurologiques des patients présentant cette infection car si
dans la majorité des cas de CHK,
la maladie est bénigne, il existe des atteintes neurologiques sévères.
Bibliographie
- Brighton SW, Prozesky OW, de la Harpe AL. Chikungunya virus
infection. A retrospective study of 107 cases. S Afr Med J. 1983 Feb 26;63(9):313-5.
- Newswanger DL, Warren CR. Guillain-Barre syndrome.
Am Fam Physician. 2004 May 15;69(10):2405-10
- Hughes RA, Cornblath DR. Guillain-Barre syndrome. Lancet. 2005
Nov 5;366(9497):1653-66
- Centers for Disease Control and
Prevention (CDC). Arboviral infections of the central nervous system--United States,
1996-1997. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 1998 Jul 3;47(25):517-22
- Nogueira RM. Dengue virus type 3, Brazil, 2002. Emerg Infect
Dis. 2005 Sep;11(9):1376-81
- 6. Gras G,
Martinet O, Gaüzère B-A, Schlossmacher P, Collignon B, Jaffar-Bandjee M C,
Schlossmacher P, Knezynski M, Pac-Soo AM, Drouet D, Lefort Y. In press. Bull. Soc. Path. Exot. 2006.
Méningo-encéphalites à Virus Chikungunya : à propos d’un cas à La
Réunion (Océan Indien).