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Epidémiologie et clinique des formes néonatales de chikungunya dans le sud de la Réunion

 

Epidémiologie et clinique des formes néonatales de chikungunya dans le sud de la Réunion 

Patrick Gérardin 1, Brahim Boumahni 1, Cécile Duvant 2, Yann Lenglet 3, Magali Carbonnier 1, Pierre–Yves Robillard 1, Georges Barau 3, Alain Michault 4, Marc Bintner 5, Alain Fourmaintraux 1

 

1-Néonatologie, Groupe Hospitalier Sud-Réunion (GHSR), Saint-Pierre, Réunion. 2-Pédiatrie Générale, GHSR. 3-Gynécologie et d’Obstétrique, GHSR. 4-Microbiologie, GHSR. 5-Neuroradiologie, GHSR.

 

L’épidémie à arbovirus de Chikungunya (alphavirus de la famille des togaviridae, transmis par un moustique du genre Aedes) qui touche actuellement l’île de la Réunion (218 000 cas et 155 décès déclarés au 19 mars 2006, source INVS), a débuté en mars 2005 dans le sud de l’île. Dès, le mois de juin 2005, les premières formes néonatales ont été observées au Groupe Hospitalier Sud – Réunion (GHSR), et dès septembre, la possibilité d’une transmission materno-néonatale a été évoquée. Cependant, ce n’est qu’à partir d’octobre 2005, à la faveur de la progression de l’épidémie dans le sud et du développement d’une technique de RT-PCR (validée au Centre National de Référence de Lyon) que la transmission du virus de la mère à l’enfant, a pu être pour la première fois décrite. Les auteurs font le point sur la transmission mère - enfant et décrivent les premières formes néonatales jamais rapportées.

Méthodes : Analyse rétrospective de toutes les naissances au delà de 22 SA, enregistrées dans les deux maternités (niveaux I et III) du GHSR (4300 naissances/an), depuis le premier cas maternel déclaré le 1er juin 2005 jusqu’au 28 février 2006. Description de la courbe épidémique chez les mères (cas et prévalence mensuels) et des formes cliniques néonatales. 

Résultats : Pour les 3066 nouveau-nés pris en charge au GHSR durant ces neuf mois, 159 mères avaient signalé à leur entrée en maternité une symptomatologie de Chikungunya (124 durant leur grossesse, 35 lors de l’accouchement), confirmée par la RT-PCR ou la sérologie dans 95% des cas (n=151, 33 à l’accouchement), soit une prévalence de 5% (pic d’incidence en février 2006, 74 femmes). 18 nouveaux-nés (âge médian: 38 sa) ont été cliniquement infectés peu après la naissance (médiane d’apparition des premier signes: 4 jours, confirmation sérologique ou PCR pour tous). Tous les tableaux cliniques observés étaient consécutifs à un accouchement en période présumée ou confirmée de virémie maternelle (soit un taux de transmission verticale proche de 50%). Chez ces nouveau-nés, la fièvre était inconstante, rencontrée dans un tiers des cas (n=6). En revanche, une prostration douloureuse (définie par des algies diffuses avec impossibilité de téter) était toujours observée, responsable du transfert en néonatologie pour analgésie et nutrition entérale (médiane de séjour: 22 jours). Un exanthème était présent dans 100% des cas et un œdème des extrémités était noté 15 fois (83%). Sur le plan biologique, une thrombopénie était quasi constante (< 100 000 plaquettes/mm3, dans deux tiers des cas) et corrélée à la gravité. Dix formes graves ou compliquées ont été observées (encéphalopathie, n=7, choc n=4, CIVD, n=4), dont sept ont requis une ventilation prolongée (médiane: 7 jours), avec des séquelles attendues chez quatre enfants (retards de développement prévisibles suite à : encéphalopathie évolutive (n=2), hémorragies cérébrales (n=2).

Commentaires : L’infection néonatale à Chikungunya existe et semble le fait d’une contamination per ou pre partum. Ses formes sont potentiellement sévères, du fait de leur tropisme neurologique et peuvent se compliquer de CIVD. Il convient donc d’étudier les mécanismes (voie et facteurs de risque) de la transmission verticale du virus Chik, enfin d’en évaluer le pronostic neurologique, sensoriel et cognitif à moyen terme.