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Gnathostomose cutanée: deux cas d’importation à La Réunion

Gnathostomose cutanée: deux cas d’importation à La Réunion.

B. Lamey, 20. Rue de la Compagnie, 97400 Saint-Denis, Réunion

 

Les deux premiers cas de gnathostomiase d’importation ont récemment été diagnostiqués à la Réunion. Leur présentation clinique fut identique : cellulite inflammatoire et prurigineuse associée à une hyper éosinophilie élevée. La sérologie pratiquée à Bangkok (Pr. Paron) s’est révélée positive.

Cas N° 1 :  Mlle X. grande voyageuse , née à Madagascar en 1962. Elle signale en décembre 1992, après un long séjour en Asie, une urticaire généralisée après un épisode diarrhéique. Une douve du foie est diagnostiquée en janvier 1993 et traitée par niclosamide. Fin février 1993, elle signale une tuméfaction sensible et érythémateuse de la fesse gauche associée à une éosinophilie à 25 % qui disparut en une semaine, suivie d’une réapparition d’un érythème induré de la fesse gauche accompagné d’un prurit important. Le 12/3/1993 : consultation dans un service parisien : un bilan parasitologique, direct et sérologique « exhaustif » revint négatif. Suivront des traitements d’épreuve échelonnés : albendazole, ivermectine puis flubendazole. Le 22/4/1993 l’éosinophilie est à 400/ml. Un mois plus tard récidive de l’érythème de la fesse avec une éosinophilie à 1490/ml. Une nouvelle cure d’Ivermectine est proposée (200µg/kg). Tout va bien jusqu’en février 1994 où apparaissent des plaques abdominales et crurales postérieures très prurigineuses qui disparaîtront spontanément en 10 jours.

En novembre 1995, la sérologie de gnathostomose adressée au Pr. Paron (Bangkok) revient positive pour Gnathostoma spinigerum.

Le délai de 3 ans entre les premiers signes et le diagnostic s’explique par la difficulté de se procurer des antigènes parasitaires puis d’acheminer les prélèvements jusqu’à Bangkok dans de bonnes conditions. Actuellement Mlle X. va bien.

Cas N° 2 : (Dr Lamey) Mme Y. signale en Août 2003, à l’occasion dune consultation pour des porokératoses une « cellulite » de la face interne du genou gauche résolutive en 15 jours sous pristinamycine mais récidivée après un mois et associée à une éosinophilie à 17 % passée inaperçue. Le 9/12/2003 apparition d’un placard érythémateux de la fesse gauche et évocation du diagnostic de ganathostomose en raison d’un séjour au Vietnam en Octobre 2002. L’éosinophilie est à 22 %. Un traitement par albendazole en 3 cures est appliqué.

La sérologie acheminée sur Bangkok revient positive pour Gnathostomia spinigerum.

Le 10/2/2004, l’éosinophile est à 4%. La patiente va bien. Le délai entre les premiers signes et le diagnostic a été ramené à 12 mois.

Discussion

La gnathostomose correspond à l’infestation humaine par une larve d’un vers nématode du genre gnathostoma. Gnathostoma sp est un parasite habituel du chat et du chien et est endémique en Asie et en Australie. Son cycle parasitaire est complexe et fait intervenir deux hôtes intermédiaires obligatoires : un crustacé d’eau douce puis un poisson. L’homme s’infeste en mangeant (crue ou mal cuite) la chair du deuxième hôte intermédiaire et constitue dès lors une « impasse parasitaire ». Les larves ne peuvent évoluer jusqu’à l’état adulte et errent dans différents viscères ou la peau où elles vont déterminer une gnathostomose cutanée.

Cette dermatose est caractérisée par un œdème sous-cutané souvent inflammatoire, prurigineux ou douloureux, mimant selon les cas une plaque d’urticaire ou une cellulite infectieuse. La localisation de la lésion est variable, migratrice et souvent récidivante. L’existence d’une hyperéosinophilie importante est un argument pour le diagnostic qui est confirmé par la positivité d’une sérologie spécifique.

Différents traitements ont été proposés mais aucun consensus ne ressort sur la prise en charge de cette parasitose. Ont été essayés avec des succès divers : thiabendazole, albendazole et ivermectine. Les doses et le nombre de cures ont semblé être le reflet de la sensibilité de chaque thérapeute.

Conclusion : Les déplacements de population, professionnels ou de loisir, font que des pathologies « exotiques » sont et seront de plus en plus fréquemment rencontrées en dehors de leur zone d’endémie habituelle. La gnathostomose en est un bon exemple. Elle devra être évoquée devant toute cellulite inflammatoire associée (ou non) à une éosinophilie élevée et apparue au retour d’un voyage.