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Grippe épidémique, grippe pandémique

Grippe épidémique, grippe pandémique.

Pierre Aubry, Professeur émérite à la Faculté de Médecine d’Antananarivo, Madagascar, 11 avenue Pierre Loti, Saint Jean de Luz, 64 500, France, mail : AUBRY.Pierre@wanadoo.fr

 

La grippe est une infection respiratoire aiguë d’origine virale, très contagieuse. La contagion est interhumaine, directe par voie aérienne. La grippe épidémique est une flambée limitée dans le temps et dans l’espace de cas de grippe, sévissant en période hivernale dans les pays du Nord (dite grippe saisonnière) et toute l’année dans les pays du Sud. La grippe pandémique est définie comme une forte augmentation dans le temps et dans l’espace des cas de grippe, liée à l’apparition d’un nouveau virus  de la grippe infectant l’homme.

Chaque année, 5 à 15% de la population mondiale est infectée, soit prés de 500 millions de personnes, avec 3 à 5 millions de cas graves et entre 250 000 à 500 000 décès.

Le diagnostic de la grippe épidémique est clinique caractérisé, après une incubation très courte (1 à 2 jours), par deux phases : une phase d’invasion avec fièvre et malaise général, une phase d’état avec un contraste entre les signes généraux toujours intenses et la pauvreté des signes physiques. Le diagnostic virologique (culture cellulaire, PCR, détection directe des antigènes viraux) est réservé aux infections sévères nécessitant une hospitalisation et aide à la prise en charge (traitement par un antiviral).

Chez les groupes à risque (petits enfants, sujets âgés, femmes enceintes, drépanocytaires, fumeurs, immunodéprimés), on observe des formes compliquées (en particulier, surinfections pulmonaires chez les patients atteints de pathologie respiratoire chronique, atteinte des voies aériennes supérieures chez l’enfant). La grippe maligne est due à une pneumonie virale : elle est rare, mais souvent mortelle.

Le virus de la grippe est composé d’un génome à ARN et d’une enveloppe externe constituée d’une couche lipidique externe dans laquelle sont ancrés des spicules glycoprotéiques : hémagglutinine (HA) et neuraminidase (NA). Il y a trois types de virus de la grippe : A, B et C. Le virus A, responsable des épidémies les plus sévères et des pandémies est divisé en sous-types définis par le sérotype des protéines de surface HA et NA. Les virus de la grippe sont identifiés selon une nomenclature internationale qui comprend en particulier une lettre majuscule (c’est le type antigénique A, B ou C) et pour les virus A, le sérotype des protéines de surface HA et NA.

Les virus actuellement actifs sont les virus H1N1 et H3N2 et le virus B. Le virus H3N2 circule dans les deux hémisphères. Ainsi, l’épidémie de Madagascar en 2002 étaient due à H3N2, très proche de la souche isolée à Paris en 2001-2002.

L’unique moyen de prévention est la vaccination par les vaccins antigrippaux trivalents purifiés et inactivés, vaccins injectables, sûrs, efficaces et bien tolérés. Les vaccins doivent être adaptés chaque année aux virus en circulation, car les antigènes de surface des virus grippaux mutent fréquemment.

Le risque d’une pandémie est actuellement du au sous-type H5N1, agent de la grippe aviaire, dans la mesure où il pourrait s’adapter à l’homme et devenir contagieux chez lui. Il a été isolé chez les oiseaux marins en Afrique du sud en 1961, puis détecté chez l’homme à Hong Kong en 1997 provoquant 18 cas dont 5 mortels.

La grippe aviaire est provoquée par des virus grippaux infectant principalement les oiseaux. Ces virus peuvent très occasionnellement infecter d’autres espèces, notamment le porc et l’homme

Le sous-type  H5N1 est extrêmement virulent. Depuis la fin 2003, des flambées de grippe aviaire chez les volailles ont été signalées dans 8 pays d’Asie : la République de Corée, le Viet Nam, le  Japon, la Thaïlande, le Cambodge, la République démocratique populaire Lao, l’Indonésie et la Chine. La maladie s’est étendue en Malaisie en août 2004 et en juillet 2005, par les oiseaux  migrateurs, à la Fédération de Russie, au Kazakhstan, en Mongolie et en octobre 2005 en Turquie et en Roumanie.

Des cas humains, confirmés en laboratoire, sont rapportés depuis début 2004 au Viet Nam, en Thaïlande, au Cambodge, en Indonésie, et récemment en Chine. Au total, plus de 100 cas (dont 66 au Viet Nam) ont été colligés, avec une mortalité supérieure à 50%. La plupart des cas ont concerné des enfants et des jeunes adultes en bonne santé.

L’homme s’infecte par contact direct avec des volailles infestées ou par contact indirect par des surfaces ou des objets contaminés par leurs déjections.

Deux conditions sont déjà réunies pour la survenue d’une pandémie grippale :

- un nouveau sous type de virus grippal : le H5N1,

- l’homme peut être infecté par ce virus, la maladie se déclarant sous forme d’une pneumonie virale (qui n’est probablement que la face visible de l’iceberg).

Une 3émé condition est nécessaire pour qu’une pandémie éclate : la transmission interhumaine. Cette condition sera réalisée en cas de réassortiment,  le matériel génétique étant échangé entre les virus humains et les virus aviaires au cours d’une co infection chez l’homme ou chez le porc.

On ne peut pas prévoir l’émergence d’une pandémie grippale. La surveillance est donc impérative. Elle est réalisée par le réseau mondial de l’OMS pour la surveillance de la grippe qui regroupe 85 pays, 114 laboratoires collaborateurs et 4 centres collaborateurs dans le monde. L’OMS a demandé à tous les pays de mettre au point des plans de préparation pour lutter contre une éventuelle pandémie. Jusqu’ici, une quarantaine de pays (sur les 191 que comptent l’ONU) l’a fait.

Que faire en cas de pandémie à H5N1 :

- vacciner, mais les vaccins spécifiques ne sont pas disponibles et les vaccins trivalents actuels ne protégent que contre la grippe épidémique (cependant, la vaccination contre la grippe épidémique pourrait avoir un intérêt collectif en empêchant le réassortiment du virus et donc la transmission secondaire interhumaine),

- traiter les malades par les antiviraux inhibiteurs de la neuraminidase : l’oselmativir (TAMIFLU®) administré par voie orale, le zanamavir (RELENZA®) administré par voie nasale étant réservé du fait de sa faible diffusion systémique et des probémes de tolérance aux pneumonies (et à la prophylaxie des sujets contacts en l’absence de contre-indications),

- prévenir la grippe aviaire chez les sujets exposés par le port de masques jetables type FFP2 et par les antiviraux (TAMILFU®, RELENZA®).

A ces mesures individuelles doivent être associées des mesures collectives : fermeture des écoles, interdiction des déplacements dans les zones infestées, restriction des voyages internationaux …

En pratique, il faut conseiller aux sujets vivant en zones infestées par le virus H5N1 de respecter des règles simples, mais efficaces :

- ne fréquenter aucun endroit où se trouvent des volailles ou tout autres oiseaux vivants ou morts : fermes, marchés, combats de coq…

- éviter tout contact avec les surfaces souillées par les volailles ou leurs déjections,

- ne consommer des volailles ou des œufs que très cuites (> 70°C)

- respecter les règles d’hygiène classique, en particulier  lavage fréquent des mains et systématique avant toute manipulation d’animaux, se munir d’une solution hydro-alcoolique en cas de lavage au savon impossible

- avoir à sa disposition un thermomètre et consulter en cas de fièvre

- rappeler aux voyageurs qu’après dix jours sans symptôme au retour, tout risque est écarté.

En conclusion, le risque de grippe pandémique à H5N1 existe. On ne peut pas actuellement préjuger de la gravité et du nombre de décès provoqués par un virus pandémique, sinon rappeler que la grippa espagnole de 1918 a provoqué au moins 40 millions de morts. Or, des cas humains se déclarent toujours en Asie et chaque nouveau cas donne l’occasion au virus H5N1 de se transformer en une souche pandémique. De plus, H5N1 se propage aux volailles et aux oiseaux sauvages de nouveaux pays et augmente ainsi le risque de nouveaux cas humains. Enfin, il faut insister sur l’intérêt qu’auraient  des tests rapides détectant en quelques minutes la présence d’antigènes viraux à l’aide d’anticorps spécifiques ce qui permettrait  d’une part d’économiser le stock de médicaments antiviraux en cas de pandémie et d’autre part de limiter l’effet de panique.

 

Références

Pregliasco F., Puzelli S., Mensi C. and al. Influenza virological surveillance in children : the use of the QuickVue rapid diagnostic test. J. Med. Virol., 2004, 73, 269-273.

Tolou H. Grippe aviaire : un virus en embuscade. Med. Trop., 2005, 65, 25-26.

OMS. Grippe aviaire : questions fréquemment posées (mise à jour 19 octobre 2005). REH, 2005, 80, 377-384

OMS. Les dix choses qu’il faut savoir sur la grippe pandémique (mise à jour du 14 octobre 2005). REH, 2005, 80, 428-431.