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La première vague pandémique A(H1N1) à la Réunion

La première vague pandémique A(H1N1) à la Réunion

P Renault1 (philippe.renault@sante.gouv.fr), F Thouillot1, E Brottet1, C Do1, E D’Ortenzio1,  L Filleul1 et le groupe de surveillance et d’investigation de la grippe à la Réunion (E Balleydier, N Baroux, A Cadivel, JL Solet, E Rachou, F Staïkowsky, P Morbidelli, A Bourdé, Y Jacques-Antoine, MP Moiton, P Poubeau, MC Jaffar-Bandjee, A Michault, A Winer, BA Gaüzère)

 

Introduction

Le 21 avril 2009, les Centers for disease control and prevention publiaient un rapport faisant état des deux premiers cas d’infection par le virus A(H1N1) 2009 en Californie. Le 24 avril 2009, l’Organisation mondiale de la santé émettait un message d’alerte concernant l’existence d’une épidémie d’infections respiratoires aiguës (IRA) au Mexique dont plusieurs cas étaient liés à une infection confirmée par ce même virus. A la Réunion, le dispositif de surveillance de la grippe était renforcé pour détecter l’introduction du nouveau virus A(H1N1)2009 dans l’île, en surveiller la diffusion et l’impact en termes de santé publique, identifier les caractéristiques des cas graves et des décès et pour documenter la circulation virale.

 

Matériel et méthode

La surveillance des IRA est assurée à l’année par un réseau de médecins sentinelles animé par l’Observatoire régional de la santé composé de 23 généralistes et de 3 pédiatres répartis dans l’île. Les passages aux urgences et les hospitalisations pour grippe clinique (codes Cim10 J10 et J11) sont identifiés par l’intermédiaire du réseau Oscour®. Les décès liés à la grippe sont  recensés par le recueil des certificats de décès qui portent la mention grippe, grippal ou grippaux. A partir du 1er juin 2009, la surveillance virologique a été renforcée par le laboratoire de référence (CHFG) sur la base de prélèvements aléatoires réalisés par les médecins sentinelles du réseau.

Une surveillance individuelle des cas importés était mise en place conformément au dispositif national à partir du 27 avril. Cependant, dès la mise en évidence des premiers cas autochtones à la Réunion fin juillet 2009, la surveillance des cas importés a été remplacée par une surveillance populationnelle renforcée (réseau sentinelle, surveillance hospitalière, virologique, mortalité totale, activité médicale totale de l’île, appels au Samu, activité des consultations hospitalières dédiées, absentéisme scolaire). Le nombre de cas d’IRA chez les consultants en médecine de ville ainsi que le nombre d’infections par le virus A(H1N1) 2009, étaient estimés au prorata de l’activité et des confirmations biologiques des médecins du réseau sentinelle. La proportion de cas symptomatiques non consultants a été estimée par enquête téléphonique sur un échantillon représentatif de la population réunionnaise. Le taux de reproduction a été calculé par la méthode du taux de croissance intrinsèque sur la phase exponentielle du début de l’épidémie.

Résultats

Le taux de grippe cliniques observé chez les médecins du réseau sentinelle a atteint un pic, 5 semaines après le début de la transmission autochtone, avec une valeur de 20,6% de leurs consultations, 1,4 fois supérieure à la maximale observée pour les cinq dernières années à la même période. L’incidence a ensuite diminué pour rejoindre le niveau de base 9 semaines après le début de la transmission autochtone. Au total, le nombre de cas d’infections symptomatiques par le virus pandémique a été estimé à 104 067 personnes soit un taux d’attaque de 12,85 %. La répartition des cas par tranche d’âge diffère significativement de celle observée pour les infections par le virus B saisonnier avec une plus grande proportion de sujets jeunes. Les formes graves et les décès ont été principalement recensés chez les sujets de moins de 65 ans. Les antécédents d’asthme ou de broncho-pneumopathie chronique constituaient le facteur de risque le plus fréquemment associé  à la survenue de formes graves et de décès. Un décès et 5 formes graves sont survenus chez des personnes sans facteur de risque connu. Au total, on a dénombré 14 décès par IRA dont 7 avaient une infection confirmée par le virus A(H1N1) 2009, soit un taux de létalité estimé de 0,07 ‰. Le taux de reproduction a été estimé à 1,26 [1,08 ; 1,49]. L’immunité populationnelle nécessaire pour éviter une reprise épidémique a été estimée à 20 %.

Conclusion

Comme dans les autres pays de l’hémisphère sud, l’introduction du virus A(H1N1) 2009 à la Réunion s’est traduite par une épidémie d’intensité modérée, avec un taux de formes graves et de létalité faibles mais impliquant une proportion importante de sujets jeunes. Le virus pandémique a rapidement supplanté les virus saisonniers. Si la modélisation ayant servi au calcul du taux de reproduction est exacte, la survenue d’une deuxième vague pandémique avant le prochain hiver austral apparaît possible mais peu probable en l’absence de mutation virale.