Cas gaves d’infection
par le virus A (H1N1)2009 influenza à La Réunion en
2009.
Bernard-Alex
Gaüzère1 (bernard.gauzere@chr-reunion.fr)
Denis Malvy2, B Léauté,1 S Champion1,
S Djouhri1, G Bossard1, J Jabot1, A Roussiaux1,
L Hoang1, D Drouet1, MC Jaffar-Bandjee2, Laurent Filleul3, Duksha
Ramful4, Mounir El Bock6, Khaled Ezzedine2,David
Vandroux1.
1 Service de
Réanimation polyvalente, Centre Hospitalier Félix Guyon, CHR Réunion,
Saint-Denis, France
2 Service de
médecine interne et des maladies tropicales, Hôpital Saint-André, CHU,
Bordeaux, France
3Cellule de
l’Institut de Veille Sanitaire en région Réunion-Mayotte (Cire
Réunion-Mayotte), Saint Denis, Réunion, France
4 Service de
Réanimation Néonatale et Infantile, Centre Hospitalier Félix Guyon, CHR
Réunion, Saint-Denis, France
5 Service de
biologie et de virologie, Centre Hospitalier Félix Guyon, CHR Réunion, Saint-Denis,
France
6 Service de Réanimation
polyvalente, Site de Saint-Benoît, CHR Réunion, Saint-Benoît, France
Introduction
Le premier cas importé d’Australie
a été notifié le 5 juillet 2009 et le premier cas de transmission autochtone,
le 23 juillet suivant. La vague épidémique a été observé entre les semaines 30
et 38 avec un pic en semaine 35. Le taux d’attaque final a été estimé à 12,85
%, hors formes hospitalières et formes asymptomatiques (30 % des cas). La
planification des prises en charge des infections graves à virus H1N1 2009 dans
les pays développés de l’hémisphère nord pendant l’hiver septentrional pourrait
bénéficier de l’expérience des pays de l’hémisphère sud, confronté plus tôt à
la pandémie. Nous décrivons la prise en charge et le devenir des patients admis
dans le service de réanimation adulte du CHR de La Réunion, site Centre
hospitalier Félix Guyon (capacité de 25 lits) qui couvre une population de 500
000 habitants. Dans l’hémisphère sud, 185 décès ont été notifiés en Australie,
18 en Nouvelle Zélande et 9 en Nouvelle Calédonie.
Méthode
Seuls
les patients âgés de plus de 15 ans et nécessitant plus de 8 litres/mn
d’oxygène étaient admis en Réanimation, les autres l’étaient dans des services
de médecine. Les données relatives aux patients âgés de plus de 15 ans et dont
le diagnostic avait été confirmé par RT-PCR ont été collectées de façon
prospective : données démographiques, biologiques, traitements et devenir.
Secondairement et dans la perspective de l’épidémie de l’hémisphère nord, ont été
extrapolés les taux d’hospitalisation par million d’habitants, le nombre
d’admissions en service de réanimation, le taux d’occupation des lits de
réanimation et le nombre de jours de ventilation mécanique pour la France
métropolitaine.
Résultats
Entre le 15 juillet et le 30
septembre 2009, 148 patients âgés de plus de 15 ans ont été admis dans notre
hôpital avec un diagnostic confirmé de grippe H1N1. Treize patients
(8 femmes et 5 hommes), soit 8.8 % des patients hospitalisés et 6.25% de
l’ensemble des patients admis en réanimation (n=208) ont été admis dans le
service pour cause de grippe sévère (26/1000 000 habitants, IC 0-44). L’âge
médian était 39,4 (± 19) ans, (extrêmes 17 à 69).
Le délai moyen entre le début des signes et l’admission a été de 6.9 ± 3.2 jours. La durées
totale d’hospitalisation en Réanimation a été 173 jours (346 / 1000 000
personnes). La durée médiane de traitement en Réanimation a été 13.3 ± 11.2 jours et le taux maximum d’occupation de 10 lits /
million d’habitants. Les principales causes d’admission ont été :
pneumonie virale primitive (11), état de mal épileptique (1), OAP (1).
Onze patients sur 13 présentaient
des facteurs de risques : 3 patients étaient en surcharge pondérale avec
des IMC de 29.3, 32 et 38 ; une jeune femme de 17 ans était enceinte et
présentait un asthme négligé ; une insuffisance surrénale congénitale, une
IMC grabataire avec insuffisance respiratoire restrictive sévère ; une
chorée et épilepsie ; une maladie de Hodgkin avec aplasie dans les suites
d’une allogreffe ; une insuffisance respiratoire chronique avec asthme et sténose
trachéale ; une HTA avec asthme, diabète, insuffisance rénale et
obésité ; un asthme avec diabète. ; un coronarien sévère avec refus
de prise en charge chirurgicale. Deux patients n’avaient aucune
morbidité y compris un homme de 32 ans qui décéda.
Dix
patients ont nécessité le recours à la ventilation mécanique pendant une durée
médiane de 7 jours, dont 1 la ventilation à oscillation à haute fréquence, 4
ventilation en décubitus ventral, 2 en mode APRV et 3 recours aux dispositifs
d’oxygénation de membrane (ECMO).
Trois patients ont développé une
défaillance multiviscérale, 1 nécessita l’épuration extra-rénale, 5 des
corticoïdes pour plusieurs motifs et tous reçurent une antibiothérapie. Le
délai d’administration de l’oseltamivir a varié de 4 à 16 jours après le début des signes, aux doses recommandées
(150 mg / jour), 1 patient a reçu des nébulisation de naminavir. La durée du
traitement moyen par les antiviraux était de
2 à 17 jours (moyenne 7,2 ± 4,3).
A la mi-novembre 2009, 4 patients
étaient décédés (2 défaillances respiratoires, 1 hémorragie cérébrale, une
défaillance multi viscérale chronique) : homme de 33 ans sans comorbidité
mort de SDRA ; femme de 18 ans en aplasie sur lymphome de Hodgkin morte
d’hémorragie cérébrale sous ECMO dans un contexte de thrombopénie sévère et
chronique ; femme de 28 ans IMC depuis l’âge de 5 ans et grabataire en
limitation thérapeutique : homme de 53 ans coronarien sévère ayant refusé
tout intervention 3 ans auparavant.
Chez les 4 patients décédés, le
délai entre l’admission et le décès allait de 8 à 71 jours (moyenne 15,5,
médiane 10) et depuis le début des signes jusqu’au décès de 15 à 86 jours.
L’âge médian des patients décédés était de 33 ans, avec un score APACHE II
score 20, SOFA score 9,7 et IGS2 = 39.3. Tous les patients ont reçu une
bi-antibiothérapie en traitement probabiliste d’une infection respiratoire
opportuniste sévère. Une infection pulmonaire secondaire a été documentée ou
fortement suspectée chez 5 patients. Cinq patients ont reçu une
corticothérapie : 2 pour une hypotension sévère, et 3 pour des tableaux évocateurs d’asthme. Aucune indication de
corticothérapie dans le but de traiter un SDRA n’a été portée. Cinq patients
ont été mis sous amines pressives pour hypotension sévère. Aucun ne reçut
d’immunoglobulines. Deux patients ont présenté une excrétion virale prolongée
(14 jours) dans le liquide du lavage broncho-alvéolaire.
Discussion
La cause principale
d’admission (11/13) a été l’insuffisance respiratoire aiguë chez des adultes
plus jeunes que ceux atteints par la grippe saisonnière, dont 2 patients jeunes
et sans aucun antécédents. Par contre, contrairement aux autres séries, le
grossesse n’a pas été un facteur favorisant, pas plus que la surcharge
pondérale. Notre étude suggère que le maximum de charge pour les services de
réanimation survient 4 à 6 semaines après le premier cas d’infection par le
virus H1N1 2009 et dure plusieurs semaines. Le taux maximum d’occupation des lits
de réanimation (10/million d’habitant) peut suffire à perturber l’activité de
réanimation.
Conclusion
Pendant une période de 5 semaines,
l’infection à virus H1N1 2009 a entraîné une surcharge de travail dans le
service de réanimation. Les défaillances respiratoires ont été le motif
principal d’admission. Les patients, contrairement à la grippe saisonnière
étaient principalement des adultes jeunes. Enfin, l’absence de comorbidité
n’exclut pas la survenue des décès.
Malgré
le faible effectif, nos données sont comparables aux données australiennes et
néo-zélandaises. Considérant que la population française est 65 millions et que
le nombre de lits de réanimation adulte est 4769, on peut estimer que le nombre
de patients de plus de 15 ans admis en service de réanimation sera voisin de
1670 et que 400 pourraient décéder.