Nouveautés thérapeutiques dans les helminthiases
Pierre Aubry, Professeur visiteur à
l’Université Victor Segalen, Bordeaux2 ; Professeur émérite à la Faculté de
Médecine d’Antananarivo
De nombreux médicaments
antihelminthiques sont à notre disposition : benzimidazoles, praziquantel
…), ils sont efficaces et leur spectre d’activité est large. Pourquoi alors
rechercher des nouveaux médicaments? Parce que l’activité des antihemninthiques
est limitée dans certaines parasitoses (strongyloïdose, fascioloses), et que
des résistances émergent (ankylostomoses)
En excluant de cette étude les
impasses parasitaires et en se limitant aux parasitoses présentes dans l’Océan
indien, les helminthiases comprennent :
- les nématodoses intestinales : oxyurose, ascaridiose,
trichocéphalose, ankylostomoses, strongyloïdose, trichinellose (en phase
intestinale),
- les cestodoses : ténioses à
Taenia saginata et à T. solium, hyménolépiose
- les trématodoses :
schistosomoses, fascioloses.
- la filariose lymphatique à Wuchereria bancrofti
De nombreux médicaments étaient déjà à notre disposition
avant 1990 : niclosamide (Tredemine®), pyrvinium (Povanyl®), pyrantel
(Combantrin®), diéthylcarbamazine (Notezine®), flubendazole (Fluvermal®),
praziquantel (Biltricide®, albendazole (Zentel®). Ne figurent pas dans cette
liste : le lévamisole (Solaskil®), le thiabendazole (Mintezol®) qui ne
sont plus commercialisés, et le mébendazole (Vermox®) qui n’a pas été
commercialisé en France.
Trois nouveaux médicaments antiheminthiques sont à notre
disposition : l’ivermectine (Stromectol® [1999], le triclabendazole
(Egalen®° [2002] et le nitazoxanide (Cryptaz ®) actuellement délivré par
ATU-Etranger.
L’efficacité de l’ivermectine est
connue depuis les années 1980 dans l’onchocercose (Mectizan®), depuis 1999 dans
la strongyloïdose et la gale (Sromectol®), puis dans d’autres filarioses,
d’autres nématodoses intestinales, les larva migrans cutanées et viscérales,
les ectoparasitoses. Elle se présente en comprimés de 3 mg, la posologie
journalière varie de 200 à 400 µg/kg (posologie adulte), les effets secondaires
sont rares et bénins (sauf chez les filariens). Il y a une contre-indication
relative chez la femme enceinte ou allaitant.
Le triclabendazole (Egalen®) est
le médicaments de choix des fascioloses à F.
hepatica ou à F. gigantica. Il se
présente en comprimés sécables à 250 mg. La posologie est de 10 mg/kg/j, une
prise, un jour. Les effets indésirables sont fréquents (en particulier,
douleurs abdominales dues aux parasites morts, nécessitant la prescription d’un
antispasmodique pendant 5 à 7 jours après le traitement anti-parasitaire).
Le nitazoxanide (Cryptaz®° est un
dérivé nitroimidazolé, proche du métronidazole (Flagyl®). Il est actif contre
les cestodes (Taenia saginata, T. sollum,
Hymenolepis nana) [1984], les protozoaires (Cryptosporidium parvum, Giardia intestinalis, Entamoeba histolytica)
[1994], les helminthes (oxyure, ascaris, trichine, ankylostome [Ankylostoma duodenale], anguillule)
[2002). Il se présente en comprimés à 500 mg. La posologie habituelle est de
500 mg, 2 fois par jour, pendant 3 jours. Les effets secondaires sont digestifs
(épigastralgies, diarrhée, vomissements). Il est contre-indiqué chez la femme
enceinte ou allaitant.
En pratique, le traitement
«classique» des helminthiases fait appel au Zentel® ou au Fluvermal® (oxyurose,
ascaridiose, ankylostomose, trichocéphalose), au Zentel® (strongyloïdose,
trichinellose), au Biltricide® (schistosomoses, ténioses, hyménolépiose,
fascioloses), à la Notezine® (filariose lymphatique).
Le traitement «moderne» fait
appel :
- pour la stongyloïdose, au
Stromectol®, à la posologie de 200 µg/kg, une prise, un jour
- pour les fascioloses à
L’Egalen®, 10 mg/kg, une prise, un jour,
- pour la filariose lymphatique au
Stromectol® à la posologie de 200 µg/kg en une prise tous les 6 mois ou de 400
µg/kg tous les 12 mois, associé ou non au Zentel® ou à la Notezine®.La prise de
doxycycline, à la dose de 200 mg/j pendant 6 semaines, a pour but de traiter
une bactérie endosymbiotique Wolbachia
nécessaire au développement des filaires.
Les alternatives thérapeutiques dans les helminthiases en
situation d’échec concernent :
- l’ankylostomose : associer Zentel® 400 mg (AMM) et Stromectol®
200µg/kg (hors AMM),
- la stongyloïidose : traiter
par Zentel®, 400 mg/j/3j (AMM) ou Cryptaz®, 1 000 mg/j/7j (ATU-Etranger)
- les schistosomoses :
associer Biltricide 40 à 60 mg/kg, 2 cures à 2 ou 3 semaines d’intervalle (AMM)
et artéméther (Artenam®), cp. à 50 mg, 6 mg/kg, 4 cures à 1 ou 3 semaines
d’intervalle (ATU-Etranger),
- les fascioloses : traiter
par FLAGYL, cp à 250 et 500 mg, 1,5g/j/21j (hors AMM) ou Cryptaz®, 500 mg/j/7j
(ATU-Etranger)
- les ténioses (T. solium, T. saginata) : traiter
par Zentel®, 400 mg/j/3j (AMM) ou Cryptaz®, 2 à 3 g en une prise (ATU-Etranger)
- l’hyménolépiose à H. nana : traiter par Cryptaz®, 2 à
3 g en une prise
En conclusion, des progrès considérables ont été faits
dans la pharmacopée antiparasitaire depuis 25 ans (albendazole, praziquantel,
ivermectine). Avec ces médicaments, il y a peu de situation d’échec. Les
alternatives thérapeutiques en cas d’échec sont basées sur des médicaments
«anciens» prescrits dans de nouvelles indications, employés seuls ou en
association, ou sur un nouveau médicament, le Cryptaz®, disponible par
ATU-Etranger, dans la strongyloïdose, les fascioloses, les ténioses et
l’hyménolépiose..
Références
Gilles H.M., Hoffman P.S. Treatment of
intestinal parasitic infections : a review of nitazoxanide. Trends in
Parasitology, 2002, 18, 95-97.
Rey
P, Debonne J.M. Alternatives thérapeutiques en cas d’échec d’un premier
traitement dans les helminthiases digestives de l’adulte. Med. Trop.,
2006, 66, 3243-328.
Bohand X., Aupée O. Nouveautés thérapeutiques dans les
traitements antihelminthiques. Med. Trop., 2006, 66, 329-330.