Les hénipaviroses dans l’océan Indien
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Les viroses émergentes dans l’océan Indien (Bull Soc Pathol Exot, 2009, 102, 137-138)
ne sont pas toutes des arboviroses. Les infections à Hénipavirus constituent
une menace. Les Hénipavirus comprennent le virus Hendra et le
virus Nipah qui appartiennent
tous deux à la famille des Paramyxoviridae.
C'est le virus Nipah qui représente
réellement une menace dans l'océan Indien. En effet, le virus Hendra ne
sévit que sur la côte nord-est de l’Australie, donc sur le versant océan
Pacifique et a été premier Hénipavirus isolé. Le virus Hendra est
à l’origine d’une zoonose émergente chez le cheval. Il peut provoquer chez
l’homme un syndrome respiratoire et neurologique mortel. Le nombre de cas, tant
chez le cheval que chez l'homme, reste très limité. On a observé à ce jour 13
épizooties, toutes décrites dans le Queensland (Australie) : la première
en 1994 à Hendra, dans le faubourg de Brisbane, la dernière en août 2009 dans
la banlieue de Rockhampton. Trente et un cas ont été confirmés chez les chevaux
avec 25 décès. Sept cas ont été rapportés chez l'homme avec 3 décès. Tous les
cas humains avaient été en contact étroit avec des chevaux. Les hôtes naturels
du virus Hendra sont les chauves-souris frugivores de la famille des Pteropodidés, du genre Pteropus.
Le virus Nipah a été identifié pour la
première fois en 1998 au cours d’une flambée chez les éleveurs de porcs en
Malaisie, puis en 1999 chez des employés d'abattoir à Singapour. Depuis lors,
des flambées ont été observées en Inde (2001 et 2007) et au Bangladesh (entre
2001 et 2008). Il n’y a pas eu de nouveaux cas, ni en Malaisie, ni à Singapour
depuis 1999. La transmission se fait au contact des animaux infectés,
essentiellement les porcs, mais aussi, à la différence de la transmission du
virus Hendra, de façon interhumaine, comme rapporté au Bangladesh et en
Inde. Une transmission nosocomiale a été signalée en Inde en 2001. La
transmission peut se faire aussi par consommation de fruits ou de jus de fruits
du palmier dattier contaminés par l’urine ou la salive de chauves-souris
frugivores : c’est la source infectieuse la plus probable au Bangladesh et
en Inde. Les hôtes naturels du virus Nipah sont en effet, comme pour le
virus Hendra, les chauves-souris du genre Pteropus. Le tableau
clinique chez l’homme va de l’infection asymptomatique à l’encéphalite
mortelle. Le diagnostic différentiel se pose donc avec l’encéphalite japonaise.
C’est d’ailleurs le premier diagnostic qui avait été évoqué en Malaisie en
1998. À ce jour, plus de 500 cas d’infection à virus Nipah ont été
rapportés chez l'homme avec une mortalité de l'ordre de 50 %.
Le diagnostic des hénipaviroses repose sur les épreuves
sérologiques (test de séro-neutralisation, épreuves immuno-enzymatiques),
l'amplification génique (RT-PCR), l'isolement du virus sur culture cellulaire.
Le traitement est symptomatique. Il n’y a pas de vaccin ni
pour l’homme, ni pour l’animal.
La prévention chez l’homme repose sur l’éducation
sanitaire : diminution du risque de transmission interhumaine pour le
virus Nipah, réduction du risque de transmission entre les
chauves-souris et l'homme et réduction du risque de transmission de l'animal à
l'homme pour les deux virus.
La prévention chez l'animal domestique (cheval, porc) repose
sur l'hygiène (nettoyage et désinfection régulière des étables et des
porcheries) et en cas de flambée, sur des mesures administratives (mise en
quarantaine des installations concernées, abattage et incinération des animaux,
restriction ou interdiction des déplacements des animaux). En Malaisie, un
million de porcs ont été abattus en 1998-1999.
La répartition géographique des Hénipavirus se
superpose avec celle des chauves-souris frugivores. Des infections à Hénipavirus
ont été mises en évidence chez des chauves-souris du genre Pteropus en
Australie, au Bangladesh, en Inde, en Malaisie, à Singapour où des
hénipaviroses animales et humaines ont été rapportées, mais aussi au Cambodge,
en Chine, en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Thaïlande, au
Timor-Leste. Elles ont aussi été mises en évidence à Madagascar. Plus
récemment, on a découvert que des chauves-souris africaines de la même famille
des Pteropodidés, du genre Eidolon,
avaient des anticorps contre les virus Nipah et Hendra, ce qui
indique la présence des Hénipavirus
dans la zone de répartition géographique des Pteropodidés en Afrique.