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Leptospirose humaine à la Réunion en 2003 : résultats d’une étude cas-témoins

Leptospirose humaine à la Réunion en 2003 : résultats d’une étude cas-témoins.

M. Ricquebourg1, N. Lechat1, C. Lassalle2, J-D. Yovanovitch1

1Observatoire Régional de la Santé de La Réunion, 2Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales.

 

Introduction : La leptospirose est une maladie bactérienne transmissible à l’Homme par contact avec des animaux porteurs ou un environnement contaminé par les urines d’animaux infectés. Cette maladie n’est plus à déclaration obligatoire en France ; sa surveillance est assurée par le Centre National de Référence. A La Réunion, la maladie est 15 fois plus fréquente qu’en métropole : taux d’incidence local proche de 7 cas pour 100 000 habitants contre 0,5 cas pour 100 000 en métropole. Certains facteurs de risque sont bien connus, dans les pays industrialisés comme dans les régions tropicales, cependant, les facteurs spécifiques à notre île restent peu documentés. La DRASS a donc sollicité l’ORS pour mener une étude épidémiologique sur le sujet.

Objectif : Les objectifs de ce travail sont de décrire les cas incidents hospitaliers en 2003 et d’identifier les facteurs de risques spécifiques à La Réunion afin de proposer des mesures adaptées pour améliorer la prévention de la leptospirose.

Méthode : Une étude cas-témoins a été réalisée sur cas incidents, en milieu hospitalier. Les cas sont les patients, signalés par les laboratoires hospitaliers, résidant à La Réunion depuis plus de 2 mois, hospitalisés du 1er janvier au 31 décembre 2003 avec 2 signes ou plus parmi ceux préalablement définis (fièvre, myalgie, céphalée, …) et pour lesquels un diagnostic biologique de leptospirose récente a été mise en évidence. Les témoins (3 pour chaque cas) ont été recrutés parmi les patients hospitalisés pour une pathologie dont les symptômes ne pouvaient évoquer une leptospirose. Un questionnaire standardisé concernant les facteurs de risques pendant les 3 semaines précédant l’hospitalisation a été administré par un médecin enquêteur, en face à face à l’hôpital ou par téléphone.

Résultats : Dans le cadre de l’étude, 55 cas hospitaliers de leptospirose ont été recensés en 2003, soit un taux d’incidence proche de 8 cas pour 100 000 habitants. La saisonnalité et la répartition géographique des cas confirment la relation avec la pluviométrie. En 2003, la fréquence des cas a suivi l’évolution des pluies qui ont été intenses depuis la mi-mars jusqu’en mai : 80% des cas ont été enregistrés au cours du 1er semestre. Par ailleurs, l’incidence a beaucoup varié d’une région à l’autre : de 2 cas pour 100 000 habitants dans le Nord et l’Ouest de l’île, à 10 dans la région Sud, et 13 dans l’Est. Ce sont les communes à forte pluviométrie (au delà de 4000 mm par an) qui ont été les plus concernées, ce qui correspond au croissant est/sud-est. Notre étude a pu mettre en évidence la nette responsabilité du sérogroupe Leptospira.ictérohaemorragiae, qui représente ici 83% des cas de leptospirose déterminés. On retrouve, de manière classique les caractéristiques socio-démographiques suivantes : prédominance des hommes parmi les malades, et concentration des cas chez les jeunes adultes. Les manifestations de la maladie sont classiques : syndrome pseudo-grippal évoluant vers des complications polymorphes (atteintes hépato-rénales, avec des complications pneumologiques, hémorragiques et/ou cardiaques plus ou moins sévères). Treize pourcents des patients sont décédés de ces formes graves de la maladie. Outre les risques fortement liés à la pluviométrie, l’analyse cas-témoins a permis de mettre en évidence de façon indépendante des associations significatives entre la leptospirose et certaines expositions :

-          rôle prépondérant de l’activité professionnelle : 79% des cas présentaient au moins une situation professionnelle définie à risques (profession à risque ou contacts avec de l’eau sur les lieux de travail) contre seulement 12% des témoins. Les agriculteurs/éleveurs représentaient 91% des travailleurs exposés recensés dans notre étude. En revanche, aucune personne n’a signalé avoir été vaccinée.

-          présence et/ ou contacts avec des animaux sauvages, seuls les rats et les chiens errants ont été signalés par les enquêtés et représentaient ici les vecteurs de la maladie.

-          émergence de nouveaux risques, liés aux activités de loisirs : activité de chasse ou de pêche, ainsi que les activités à la campagne.

L’identification de ces facteurs de risques suggère la transversalité des domaines d’applications.