Mélioïdose : à
propos d’un cas acquis à Madagascar et de deux cas nosocomiaux
O. Martinet,
A.M. Pac Soo, M.Knezynski, P. Schlossmacher, C. Jaffar-Bandjee, B.A. Gaüzère,
Service de Réanimation polyvalente, CHD Félix Guyon, Saint Denis, La Réunion
Nous présentons le cas d’un homme
de 60 ans éthylo-tabagique, rapatrié de Madagascar et admis en Réanimation pour
détresse respiratoire avec choc septique nécessitant une ventilation mécanique
et un support hémodynamique par amines vasopressives. Les 4 hémocultures
réalisées dans les 24 premières heures, ainsi que le lavage broncho-alvéolaire
d’admission, se révèleront positives à bacille Gram négatif, identifié
tardivement comme Burkholderia Pseudomallei, signant le diagnostic de
mélioïdose.
Le traitement, débuté par
l’association Piperacilline et Ciprofloxacine (le germe ayant initialement été
identifié comme pseudomonas) est poursuivi par la Ceftazidime à forte doses,
permettant l’amélioration clinique et le sevrage respiratoire après une période
de ventilation sur trachéotomie de quelques semaines. La récupération a été
complète avec reprise d’une autonomie normale.
Secondairement, nous avons observé
dans notre établissement deux autres cas de mélioïdose septicémique,
respectivement 150 et 180 jours après l’admission du premier patient, l’un chez
un homme de 81 ans insuffisant respiratoire chronique et l’autre chez une
patiente sous corticothérapie pour un
lupus. La guérison a été obtenu dans les deux cas sous traitement d’attaque par
Céftazidime (120 mg/kg/j) relayé par Cotrimoxazole pour une durée totale de 20
semaines. A l’origine de ces deux cas secondaires se trouvait la transmission
nosocomiale du germe par un fibroscope présentant un défaut de fabrication
rendant les procédures de décontamination inefficaces. Ceci à pu être prouvé
par l’analyse génotypique par restriction enzymatique de B. Pseudomallei et
par culture de prélèvements réalisés sur le fibroscope incriminé qui avait
servi pour les trois patients.
Commentaire
La mélioïdose a été décrite pour
la première fois a Rangoon en 1911 par Whitmore chez des morphinomanes décédés.
Par la suite elle a été observée dans de nombreuses régions situées entre les
20ème parallèles nord et sud avec deux grandes régions d’endémie, le
sud est asiatique (Thaïlande en particulier) et le Nord de l’Australie. Elle
est due à un bacille gram négatif, Burkholderia pseudomallei, classé
parmi les pseudomonas jusqu’en 1992 et proche de l’agent de la morve, Burkholderia
Mallei. A notre connaissance, aucun cas humain n’a été rapporté dans la
littérature internationale à Madagascar
ou à la Réunion. La maladie se transmet par l’eau ou le sol, réservoirs de la
bactérie, et survient la plupart du temps en saison chaude et humide, ce qui
était le cas pour notre premier patient. La présentation clinique est
extrêmement variable, avec un continuum allant de l’infection asymptomatique au
choc septique sévère avec défaillance poly viscérale. L’atteinte pulmonaire est
présente dans plus de 50% des cas, et la présence d’une septicémie est très
fréquente. La mortalité reste autour de 90% lorsqu’un choc septique est
présent. Le terrain joue un rôle prépondérant dans la sévérité du tableau avec
des facteurs de risques identifiés : diabète, éthylisme, insuffisance
rénale chronique et pour certains insuffisance respiratoire. Nos trois patients
présentaient une immunodépression avec dans un cas un éthylisme associé à une
insuffisance respiratoire, dans un cas un déficit commun variable en
immunoglobulines, dans un cas une maladie lupique avec corticothérapie. Le
diagnostic bactériologique différentiel est parfois difficile du fait de la
méconnaissance du germe et de sa ressemblance avec d’autres Burkholfderia. B
Pseudomallei est sensible aux phénicolés, aux tétracyclines, au
cotrimoxazole et à certaines bêta-lactamines, mais le traitement de référence
actuel fait appel au ceftazidime, à l’imipenem ou au méropenem à fortes doses
associé ou non au cotrimoxazole en phase initiale, relayés par un traitement
oral prolongé par cotrimoxazole ou cyclines du fait de la fréquence des
rechutes. Une seule publication fait état de transmission nosocomiale de
mélioïdose. La transmission de pseudomonas par les endoscopes lors
d’insuffisances des procédures de désinfection est bien connue, ces germes
étant à l’origine de la production de sécrétions collantes (slime) difficiles à
évacuer. Une procédure de rappel des patients potentiellement contaminés entre
la date de l’utilisation du fibroscope chez le premier patient et la date de
mise en évidence du problème est en cours. Il leur est proposé, outre un suivi
clinique et biologique un traitement prophylactique par doxycycline. Enfin il
est intéressant de souligner dans les formes graves l’intérêt de la
trachéotomie précoce chez les patients insuffisants respiratoires, compte tenu
de l’hypersécrétion observée dans la maladie Réalisée dans notre service par
voie percutanée elle a représenté dans deux de nos observations une aide
considérable au sevrage.