Prévalence de la dénutrition en milieu
hospitalier dans le département de la Réunion: résultats d’une étude
d’observation dans un centre de référence
Pascal Schlossmacher1,3, Bénédicte
Jaeggy1, Fabrice Agesilas1, Marie Wiest1,
Olivier Martinet1, Marlène Knezynski1, Bernard-A Gauzëre1,
Michel Bohrer2, Michel Hasselmann4.
1 Service de
Réanimation Polyvalente 2 Département d’Information Médicale. 3
Comité de Liaison en Alimentation - Nutrition. CHD Félix Guyon, Saint
Denis. Réunion. 3 Service de Réanimation Médicale CHRU Strasbourg, France.
Il n’existe pas de données
disponibles concernant l'état nutritionnel des patients hospitalisés dans
l’Océan Indien, alors que les perturbations de l’état nutritionnel représentent des facteurs indépendants reconnus de morbidité,
mortalité, d’allongement des durées de séjours et des coûts hospitaliers [1,2].
Dans cette
étude prospective, nous évaluons la prévalence de la dénutrition* à l’admission
en milieu médical dans un centre hospitalier de référence à la Réunion (CHD
Félix Guyon, Saint Denis, 550 lits, 36000 hospitalisations annuelles). Dans un
premier volet, cinq cent vingt et un patients médicaux sont évalués
cliniquement (IMC, perte pondérale) et biologiquement (ALB, TTR) sur 2 mois:
286 hommes (54,11%), 235 femmes (45,89%), d’âge moyen 58,48 ± 17,59 ans. L’IMC est
inférieur à 18,5 kg/m2 dans13,7% des cas, supérieur à 25 kg/m2
pour 25,52%, supérieur à 30 kg/m2 dans 15,73% des cas. La
mesure de transthyrétine sérique objective une dénutrition modérée à sévère
chez 48,56% des patients, n’épargnant pas les patients en pléthore (46%), alors
que la prévalence habituellement observée en Europe avoisine 20% [3]. Dans un
deuxième volet, une population plus large de tous services et âges (n=7134
patients) est explorée sur le plan biologique, mettant en évidence un syndrome
inflammatoire majeur (CRP>50 mg/l) chez 36,4% des patients (n=2589),
correspondant à un risque élevé de dénutrition endogène [4]. Une dénutrition
modérée à sévère est mise en évidence chez 53,4% des patients, prédominant en
réanimation et aux deux extrêmes de la vie (TTR médian: 190 [130-250] mg/l).
Ces données objectivent une prévalence de la dénutrition protéino-énergétique
très supérieure aux données européennes, et quasiment comparable aux données
relevées en milieu gériatrique. Le déterminisme principal semble être la
gravité de la pathologie causale (reflétée par le taux de C réactive protéine),
à coté de facteurs socioéconomiques et/ou liés au terrain (éthylisme, diabète,
pathologies chroniques). L’accent est mis sur la nécessaire mise en place dans
ce département d’une politique nutritionnelle intra hospitalière (création d’un
CLAN en Décembre 2004) et au développement de réseaux nutrition ville hôpital,
en accord avec les recommandations du Plan National Nutrition Santé [5].
*
Dénutrition protéino-énergétique : IMC < 18,5 kg/m2 et/ou
TTR < 200 mg/l
Abréviations : IMC= Index de
masse corporelle ; CB=circonférence brachiale, ALB= albumine, TTR=
transthyrétine = préalbumine, CRP= C réactive protéine ; CLAN=Comité
d’assistance en alimentation nutrition
Références
[1] Galanos AN, Pieper CF, Kussin
PS et al. Relationship of body mass
index to subsequent mortality among seriously ill hospitalised patients. Crit
Care Med 1997; 25:1962-8
[2] Tormo Cantos A et all.
Prognostic value of the nutritional status and pro-inflammatory cytokines
(IL-1, IL-6, TNF-alpha) in critically ill patients. An Med Interna 1999 Nov ;
16(11):562-8
[3] Larry H. Bernstein, Yves Ingenbleek. Transthyretin: its response to
malnutrition and stress injury. Clinical usefulness and economic implications.
Clin Chem Lab Med 2002;40(12):1344-1348
[4] Ingenbleek Y, Berstein L. The stressful condition as a nutritionally
dependent adaptative dichotomy. Nutrition 1999;15:305-20
[5] Direction de l’hospitalisation
et de l’offre de soins (DHOS). Circulaire DHOS/E n° 2002-186 du 29 mars 2002.
Arrêté portant création du Comité national de l’alimentation et de la nutrition
des établissements de soins.