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Piqûres par poisson pierre : une antalgie difficile, un risque notable de complications

Piqûres par poisson pierre : une antalgie difficile, un risque notable de complications.

N Grandcolas, C Dufour, A Brugiroux, A Souab, F Staikowsky

SAU, Groupe hospitalier  Sud Réunion, BP 350, 97448 Saint-Pierre, Réunion

 

Les piqûres de poissons (PP) et de cœlentérés sont les causes les plus communes des envenimations marines chez l'homme. L’objectif de ce travail a été d’étudier l’ensemble des données cliniques et thérapeutiques des patients examinés aux urgences pour une suspicion de piqûres par PP (Synancae verrucosa présent à la Réunion), et l’évolution de cette envenimation.

Matériels et Méthodes : les consultants aux urgences pour suspicion de piqûres par PP ont été rétrospectivement colligés du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2005.

Résultats : 57 consultants (42 hommes, âge 31,2 ± 15,9 ans, extrêmes : 3 et 63 ans ; 11 estivants) pour 61 consultations ont été inclus. Le motif de consultation était une douleur, souvent décrite comme intense, par piqûre survenue au cours d'une baignade dans le lagon. Les régions lésées étaient le pied (79%) et la main (21%). Les signes locaux colligeaient une plaie (100%), un œdème (74%), une inflammation (21%), une ecchymose (23%), une nécrose localisée (19 %), une cellulite (1,8%). Les signes généraux étaient marqués par la présence d’une douleur pour 54 patients (94,7%), une tachycardie, un syndrome vagal (n = 1), une agitation (n = 2). Une hypoesthésie et des paresthésies du membre atteint étaient signalées dans 3,4% des cas. Avant la consultation aux urgences, 13 patients (23%) avaient reçu un traitement local et/ou général par d’antalgiques et/ou d’anti-inflammatoires. Les soins locaux aux urgences consistaient en bains d'eau chaude (79%), une injection in situ de lidocaïne (16%). Des antalgiques ont été administrés dans 75% des cas dont des dérivés morphiniques et une association d'antalgiques dans respectivement 54% et 47% des cas. D'autres techniques d'analgésie ont été nécessaires : kétamine 3,5%, N2O 3,5%, anesthésie locorégionale 3,5%. Une antibiothérapie était administrée chez 29% des patients. Les patients hospitalisés (46%) se différenciaient des patients non hospitalisés sur un besoin plus important d’antalgiques, et sur l’aspect des lésions, plus inflammatoires et nécrotiques (p<0,05). Parmi les hospitalisés, les lésions évoluaient vers la nécrose pour 15,4% des cas, une extension de l’œdème dans 15,4% des cas, l’apparition de phlyctènes pour 7,7% des patients. Une mise à plat chirurgicale des lésions a été nécessaire 3 fois (11,5%). L’oxygénothérapie hyperbare accompagnait une cicatrisation dirigée de lésions de nécrose et de cellulite dans 3 cas (11,5%). À la sortie de l’hôpital, les ordonnances délivrées à 47 patients (82,4%) mentionnaient des antalgiques (66,7%), des anti-inflammatoires (21,1%), des antibiotiques (47,4%), et des héparines de bas poids moléculaire (24,6%). Quatre patients initialement non admis, consultaient à nouveau aux urgences pour une augmentation de l’œdème, et pour un abcès suppuratif localisé à la plaie initiale.

Conclusion : la réponse à l'envenimation par PP ne répond pas à une conduite stéréotypée. L'antalgie, préoccupation majeure, peut nécessiter le recours à différents antalgiques, à l’anesthésie locorégionale, voire à certains anesthésiques généraux. Les lésions cutanées pouvant évoluer vers la nécrose et l’infection faisant discuter une antibioprophylaxie et justifiant d’une surveillance.