Une
nouvelle chimioprophylaxie du paludisme chez l’enfant et chez la femme enceinte
dans les pays en développement : les traitements préventifs intermittents.
Pierre Aubry,
Professeur émérite à la Faculté de Médecine d’Antananarivo (Madagascar), 11
avenue Pierre Loti, Saint Jean de Luz, F-64.500.
En 1999,
l’Organisation Mondiale de la Santé a lancé l’Initiative « Faire
reculer le paludisme », avec deux populations cibles : l’enfant de
moins de 5 ans et la femme enceinte dans les pays en développement.
Dans les zones à paludisme stable,
les enfants acquièrent une immunité partielle et labile au prix d’une mortalité
importante avant l’âge de 5 ans : 75% des 3 millions de décès par an par
paludisme. La dépression immunitaire induite par la grossesse entraîne une
augmentation de la sensibilité de la femme enceinte (surtout la primigeste) au
paludisme.
Les mesures de protection
antipaludique se résument à la lutte
antivectorielle et à la
chimioprophylaxie. La chimioprophylaxie, appliquée dès 1950 chez le
petit enfant des pays en développement (PED), a été arrêtée car non appliquée
correctement et non dénuée de danger (risque de surdosage). Surtout, elle ne
faisait que déplacer l’âge d’acquisition de l’immunité antipaludique et
l’apparition de souches de Plasmodium
falciparum résistantes à la chloroquine, dès 1980, la rendait peu efficace.
Elle était «avantageusement» remplacée par le traitement présomptif et précoce
des fièvres.
Chez la femme enceinte, la
chimioprophylaxie antipaludique devenait à l’opposé systématique. Le paludisme
est en effet cause chez la femme enceinte de
mortalité fœto-maternelle, d’accès pernicieux en zone de paludisme
instable , d’anémies maternelles et de retard fœtal de croissance en zones
de paludisme stable. La coinfection paludisme-infection à VIH/SIDA aggrave
actuellement ces complications.
La chimioprophylaxie chez la femme
enceinte a reposé sur la chloroquine et
la méfloquine. Elle s’est montrée efficace sur le poids de naissance de
l’enfant et l’incidence des anémies maternelles. Mais le taux de couverture est
resté bas et la résistance à la chloroquine l’a rendue peu efficace.
En 1994, Schultz (1), au Malawi, a
mis au point le Traitement Préventif Intermittent (TPI) du paludisme de la
femme enceinte par la sulfadoxine-pyriméthamine (SP) administré à doses
curatives lors des visites prénatales. Les résultas ont été une réduction des
faibles poids de naissance et de
l’incidence des anémies maternelles. Les effets sont croissants selon que les
femmes reçoivent 1, 2 ou 3 doses de SP. Il faut augmenter les doses chez les
femmes VIH positives (3 doses minimum). Il y a une contre-indication à la
SP : le risque de malformations fœtales si elle est administrée lors du
premier trimestre de la grossesse.
Cette stratégie prophylactique est
actuellement appliquée à l’enfant. L’enfant dans les PED, après une période
d’immunité passive pendant 3 à 6 mois, a ensuite une période d’infection aiguë d’environ 2 ans avec anémies graves
et comas palustres.
En 2001, Schellenberg (2), en
Tanzanie, a prescrit la SP à 2, 3 et 9 mois d’âge dans le cadre du Programme
Elargi de Vaccination (PEV), associée à la prise de fer entre 2 et 6 mois.
Devant les résultats très favorables : taux de protection de 60% et plus
contre les accès palustres et les anémies, l’OMS a propose en 2002 des essais
contrôlés randomisés dans le cadre du calendrier du PEV en Afrique (3). Les
travaux actuellement publiés, qui concernent la SP et l’amodiaquine, confirment les résultats. Ils ne montrent
pas d’immunodépression à la réponse vaccinale (4).
Le TPI est donc une stratégie
réaliste : son efficacité est prouvée chez la femme enceinte dans le cadre
des problèmes de santé publique, elle doit encore être évaluée chez l’enfant.
Références
1) Schultze
L.J., Steketee R.W., Macheso A. et coll. The efficacy of anti-malarial regimens containing
sulfadoxine-pyrimethamine and/or chloroquine in preventing peripheral and
placental Plasmdium falciparum
infection among pregnant women in Malawi. Am J
Trop Med Hyg, 1994, 51, 515-522.
2) Schellenberg
D., Menendez C., Kahigwa E. et coll. Intermittent
treatment for malaria and anaemia control at time of routine vaccinations in
Tanzanian infants : a randomised, placebo-controlled trial. Lancet, 2001, 357, 1471-1476.
3) OMS. Traitement intermittent du
paludisme dans le cadre du calendrier du PEV en Afrique. REH, 2002, 77,
82-83.
4) Rosen B.J., Breman J.G.
Malaria intermittent preventive treatment in infants, chemoprophylaxis, and
childood vaccinations. Lancet, 2004, 363, 1386-1388.