Paludisme importé à la Réunion en 2003-2004 :
Tendances et perspectives d’action
Daouda Sissoko1,
Julien Thiria2, Christian Lassalle3, Philippe Renault 1
1 InVS, Cellule Inter-régionale d’Epidémiologie La
Réunion-Mayotte ; 2 Service de Santé- Environnement /DRASS de
La Réunion ; 3 Inspection de la Santé /DRASS de La Réunion.
Introduction : L’endémie palustre a été déclarée éradiquée à La Réunion en 1979.
Depuis cette date, seuls huit cas autochtones ont été rapportés, le dernier était survenu en 2000. Toutefois, le
maintien dans l’île d’anophèles vecteurs du paludisme et l’importation d’un
grand nombre de cas contribuent à la
persistance du risque de transmission secondaire autochtone.
L’objectif de ce travail
était de décrire les tendances actuelles du paludisme importé à La Réunion afin d’identifier les actions prioritaires
de prévention.
Méthodes : Jusqu’en fin 2004, la surveillance épidémiologique du paludisme à La
Réunion reposait sur deux composantes (le dispositif passif de déclaration
obligatoire des maladies et le dépistage actif de certains voyageurs). Les cas
identifiés par ce dispositif entre le 01 janvier 2003 et le 31 décembre 2004
ont été analysés.
Résultats : La Drass a confirmé 312 cas de paludisme : 163 en 2003 et 149 en
2004. L’âge médian des cas était de 31 ans, et 2/3 étaient des hommes. Parmi
ces cas, 86% résidaient à la Réunion,
84% sont de nationalité française et 56% étaient nés dans un pays
d’endémie palustre.
Aucun cas autochtone
secondaire n’a été rapporté pendant cette période. Les cas sont acquis
essentiellement aux Comores (48%) et à Madagascar (41%). La durée médiane de
séjour dans ces pays était de 31 jours (IQ 25-75 entre 22 et 49
jours). L’évolution temporelle de la
survenue des cas est trimodale (deux grands pics en janvier- février et en août -septembre, un petit pic en
avril). Près de 25% des cas résidaient au Port, à Saint André et Saint Louis,
communes limitrophes des principaux secteurs de gîtes larvaires identifiés par
les services de lutte anti-vectorielle.
Sept accès pernicieux et
trois décès étaient rapportés sur la période. Les deux souches les plus souvent
retrouvées étaient P. falciparum
(83%) et P. vivax (13%). Parmi les
cas, 97% alléguaient un connaissance du
risque palustre avant le départ, la chimioprophylaxie était prescrite chez 117
cas (43% ) et a été régulièrement observé chez 52 personnes (44%). Cette
chimioprophylaxie était inadaptée le plus souvent 97% (Comores) et 79%
(Madagascar).
Les services de lutte étaient intervenus chez la moitié des cas.
Le délai médian d’intervention après le diagnostic était de 6 jours (IQ 25-75
entre 3 et 9 jours). Les
interventions ont donné lieu respectivement chez 49% et 90% des cas prospectés
à des pulvérisations péri- domiciliaires
et à des pulvérisations intra-domiciliaires. Peu d’éducation sanitaire
était faite lors des interventions (26%).
Discussion : Ces résultats montrent une relative stabilité du nombre de
cas de paludisme importé à la Réunion. Le nombre de décès par rapport à la
période 1998-2002 est en baisse sans toutefois être statistiquement significative.
La moitié des cas surviennent
pendant l’été austral, période favorable à la prolifération du vecteur.
Malgré une durée médiane de
séjour de plus de 4 semaines, peu de chimioprophylaxie était prescrite chez les cas ayant présenté un
paludisme au retour.
De plus, les schémas thérapeutiques sont le plus
souvent inadaptés aux pays visités.
Conclusion. Cette surveillance épidémiologique fournit des données
sur l’importance du paludisme importé à la Réunion et suggère la nécessité de
mettre en place des campagnes d’information et de formation à destination des
professionnels de santé dans le but d’améliorer le conseil et les prescriptions
de prophylaxie chez les voyageurs à destination des pays impaludés en
particulier les Comores et Madagascar. Par ailleurs, les interventions des
services de lutte devraient systématiquement donner lieu à l’éducation
sanitaire des cas et de leur entourage.