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Bactériémie à Streptobacillus moniliformis : premier cas décrit à l’île de la Réunion

Bactériémie à Streptobacillus moniliformis : premier cas décrit à l’île de la Réunion.

MC Jaffar-Bandjee1, O Belmonte1, L. Benhamou2, B Lascola3.

1Laboratoire de microbiologie et 2Service des Grands brûlés, Hôpital Félix Guyon CHR de la Réunion 3URMITE, CNRS UMR 6236, IFR 48, Université de la Méditerranée - Marseille.

 

La streptobacillose résulte généralement d’une morsure de rat ou d’un simple contact avec un rat et moins fréquemment, de la morsure ou de griffures d’autres rongeurs telles que la gerbille ou la souris. Nous rapportons un premier cas à l’île de la Réunion, chez une femme de 89 ans, vivant dans des conditions précaires, avec un chien et en contact avec des rats. Elle a été admise dans le service des grands brûlés du CHR de La Réunion (site centre hospitalier Félix Guyon) pour des brûlures au niveau des pieds. Quatre jours après son admission (J5), elle présente une fièvre. Deux séries d’hémocultures sont réalisées et la patiente est traitée par amoxicilline - acide clavulanique. Un des flacons d’hémoculture sur milieu anaérobie est positif à bacilles gram négatifs filamenteux et branchés. A J9, la patiente restant fébrile, l’antibiothérapie est élargie avec ceftazidime, vancomycine et métronidazole. A J12, devant l’altération de l’état général et après concertation clinico-biologique, on rajoute rifampicine et doxycycline. La fièvre chute, mais la patiente décède trois jours plus tard dans un tableau d’insuffisance rénale. La subculture de l’hémoculture sur les milieux classiques de bactériologie (Columbia, Chocolat, Schaedler, Lowenstein, Cœur-cervelle) à 35°C et 30°C, en aérobie et en anaérobie, est restée négative. Du sang de l’hémoculture congelé a été envoyé à l’URMITE (Marseille), qui a réalisé une PCR 16S de l’ARN ribosomal, suivi du séquençage, permettant l’identification de Streptobacillus moniliformis. Il s’agit d’un bacille gram négatif, immobile, ne poussant pas sur les milieux habituels et dont l’identification est délicate. Sa culture requiert une atmosphère en microaérophilie et des milieux avec 20% de sang ou d’ascite. Sa croissance est inhibée par le sulfonate de sodium, l’anticoagulant présent dans les flacons d’hémoculture dont l’action peut être limitée par un remplissage correct des flacons (8 à 9 ml).

La streptobacillose est connue sous d'autres appellations : rat-bite fever, érythème arthritique épidémique ; Fièvre d'Haverhill ; Fièvre due à la morsure de rat, Fièvre par morsure de rat à Streptobacillus moniliformis ; fièvre streptobacillaire ; Sokosho. Streptobacillus moniliformis est une bactérie cosmopolite qui infecte différentes espèces allant du rat à l'homme en passant par la souris, le cochon d'Inde ou le primate. La streptobacillose est transmise par contact direct avec les secrétions buccales, nasales et oculaires, ainsi que par morsure du rat contaminé. Il peut également y avoir transmission indirecte par consommation d'aliments et d'eau contaminés par des déjections. Le risque d'infection après morsure est d'environ 10%. Plusieurs épisodes infectieux épidémiques dus à S. moniliformis ont concerné plusieurs dizaines, voir centaines de personnes en contact avec de l'eau, des produits laitiers ou des aliments souillés par des déjections de rats.

Le temps d'incubation varie de 3 à 21 jours, puis surviennent une fièvre, des céphalées, frissons et vomissements. Sont également notés : une arthrite qui peut durer plusieurs mois, une pharyngite, des pétéchies de la paume des mains, de la plante des pieds et des membres. Dans les formes sévères, survient une endocardite parfois fatale, une péricardite et une ténosynovite.

Le diagnostic repose sur l’isolement du germe dans les hémocultures ou dans le liquide synovial. Cependant ces techniques sont difficiles à mettre en œuvre du fait de la difficulté de culture de S. moniliformis. Les seules techniques de diagnostic fiables sont l’examen direct des liquides articulaire, l’hémoculture et la PCR. La streptobacillose est donc difficile à diagnostiquer et le nombre de cas est probablement sous-estimé.

L'antibiothérapie à base de pénicilline G pendant 10 à 14 jours donne d'excellents résultats. En cas de forme résistante, on associe la streptomycine.