Vaccins contre l'infection par le virus du Chikungunya
: rationnel, vaccins développés, utilisations envisageables
N. Pouderoux (npouderoux@gmail.com)
Centre René Labusquière, Université Victor Ségalen Bordeaux 2,
Bordeaux, France
Introduction
Le virus du Chikungunya (CHIKV) est une arbovirus émergent,
appartenant au genre Alphavirus et à la famille des Togaviridae,
responsable depuis 2004 d'une épidémie sans précédent dans l'Océan Indien. Le
CHIKV continue à se propager actuellement en Asie du Sud-Est. D'autres zones,
dont les Amériques intertropicales et des zones tempérées chaudes, sont à
risque d'implantation et de circulation du CHIKV, comme cela s'est produit en
2007 en Italie, en raison de la présence du principal vecteur, Aedes
Albopictus. En plus de la lutte anti-vectorielle, une approche vaccinale
est envisageable du fait que le CHIKV est réputé pour conférer chez l'homme une
immunité durable et probablement efficace contre les différentes souches de
CHIKV.
Recherche bibliographique
Une recherche bibliographique systématique dans la base de données
Medline avec pour mots clef « chikungunya »+« vaccine » a
été effectuée. Au 25 novembre 2009, 42 résultats étaient obtenus. Parmi
ceux-ci, 29 articles en français ou en anglais évoquaient le sujet et seulement
12 avaient pour sujet principal la vaccination contre le CHIKV.
Vaccins développés
Plusieurs vaccins candidats ont été développés, mais les projets
ont été interrompus. Ainsi entre 1967 et 1973, 5 publications font référence à
des vaccins inactivés, dont une décrit l'essai chez 16 volontaires d'une vaccin
inactivé cultivé sur cellules de rein de singe vert, avec une bonne tolérance
et une bonne séroconversion.
Entre 1992 et 2000, 3 articles décrivent un projet de vaccin
vivant atténué cultivé sur cellule humaine
de poumon. Ce vaccin a été essayé chez 59 volontaires, avec 98% de
séroconversion, mais des arthralgies ont été décrites par 5 personnes vaccinées,
posant un problème de tolérance.
Entre 2008 et 2009, 3 vaccins candidats différents sont présentés
chacun dans un article.
Muthumani et al. développent un vaccin constitué
d'un segment d'ADN plasmidique codant pour des séquences d'ARN consensus des
protéines structurales du CHIKV. L'ADN doit être transfecté par injection
intramusculaire suivie d'une électroporation. Chez la souris, cela permet une
production locale des protéines virales et une réponse immunitaire humorale et
cellulaire.
Wang et al ont conçu trois virus chimériques, dont le
génome se compose pour une part des séquences codant pour la capside et pour
les protéines d'enveloppe du CHIKV et d'autre part des séquences correspondant
aux protéines non structurelles de l'un des trois alphavirus suivant : le virus
de l'encéphalite équine vénézuélienne(VEEV), le virus de l'encéphalite équine
de l'Est (VEEE) et le virus Sindbis. Ces virus, en particulier ceux contenant
du génome du VEEV ou du VEEE semblent aptes à produire une réponse immunitaire
protectrice chez la souris vis-à-vis de la souche Ross du CHIKV.
Tiwari et al., à partir d'une souche isolée lors de
l'épidémie actuelle et adaptée à la culture sur cellules Vero, testent un
vaccin purifié et inactivé par le formol. Il produit une réponse immunitaire
humorale chez la souris et une réponse cellulaire in vitro.
Discussion
L'épidémie dans l'océan Indien semble donc avoir stimulé la
recherche vaccinale contre le CHIKV. Pourtant, il est encore difficile de
prédire quels pourraient être les utilisations de ces futurs vaccins car trop
d'inconnues existent à leur sujet. Les vaccins à ADN sont une voie de recherche
actuellement dynamique, mais aucune application n'existe encore en raison des
risques potentiels induits par la transfection d'un génome synthétique dans des
cellules humaines. Les vaccins chimériques pourraient peut-être permettre
d'améliorer la tolérance et limiter les risques de réversion d'un vaccin vivant
atténué, mais ceci est impossible à affirmer sans études humaines. Ces études
humaines ne sont envisageables qu'après des essais de tolérance chez le primate
et la preuve d'une efficacité protectrice du vaccin dans un modèle animal
satisfaisant, ce qui n'est pas encore le cas. Le vaccin inactivé semble plus
proche d'une utilisation humaine, car il expose a priori à moins de risques,
même si son immunogénicité chez l'homme est encore à évaluer, ainsi que les
doses nécessaires. Si ces recherches aboutissaient à un vaccin efficace et bien
toléré, plusieurs utilisation seraient envisageables, comme la vaccination du
voyageur se rendant en zone d'épidémie et la vaccination des populations
résidant dans les zones d'épidémie ou à risque d'épidémie.